samedi 31 mars 2012

Extra Life / Dream Seeds





Troisième album pour Extra Life, le groupe de l’esthète new-yorkais Charlie Looker, et le premier avec un line-up à trois. Il n’aura échappé à personne que le bassiste est parti il y a un an et demi, ce qui a entrainé quelques conséquences notables dont le premier résultat a été le EP Ripped Heart, principalement axé sur l’usage de claviers et une synth wave très 80’s. Extra Life gardait son côté médiéval mais semblait également s’adoucir. Avec Dream Seeds on s’attend un peu, mais à tort, à la même chose : il est précisé que Charlie Looker se concentre désormais sur le chant et les claviers, jouant juste un peu de guitare acoustique. Le violoniste Caley Monahon-Ward monte par contre en puissance, assurant toutes les parties de guitare électrique, le violon, des manipulations électroniques, un peu de synthétiseur également et des backing vocals. Son rôle est réellement devenu prépondérant au sein d’Extra Life et le groupe se présente définitivement comme une entité parfaite, un triangle à trois côtés égaux – car il ne faut pas oublier cet extraordinaire batteur qu’est Nick Podgurski –, une entité dont Charlie Looker est la base et la tête pensante, en tant que compositeur éclairé.
Dream Seeds démarre doucement avec No Dreams Tonight, superbe balade moyenâgeuse à souhait, solo de flûtiau à l’appui, tout à fait dans l’esprit de Ripped Heart. De fait Dream Seeds peut avoir l’air plus rêveur, encore moins axé sur les rythmiques que le génial Made Flesh (2010) et surtout que Secular Works (2009). Little One est un autre moment fort en douceur du disque avec de superbes nappes de violon et un piano dont la tendresse échappe à la mièvrerie comme à la prétention pompeuse, un pur moment de grâce et de lévitation. Même un titre tel que First Song et sa complexe partie de batterie ne se départit par d’une douceur enveloppante qui arrache des frissons – Extra Life est un groupe à part, un groupe ailleurs.
Mais Extra Life a également gardé de sa fougue. Disons que celle-ci est désormais canalisée différemment. Discipline For Edwin et surtout Righteous Seed renouent à la fois avec le Extra Life superbement lyrique et tendu et le Extra Life quasi religieux et puissamment envoûtant. Il y a toujours ces splendides tapis de guitares et ces rythmiques indéchiffrables mais directes, le tout étant toujours dominé par le chant hors saison de Charlie Looker avec (donc) toujours plus de synthétiseurs en appui ou en contrepoint. L’album se termine par deux morceaux de bravoure, Blinded Beast puis Ten Year Teardrop qui avoisinent tous les deux le quart d’heure et qui représentent le côté le plus sombre mais aussi le plus lyrique et le plus beau d’Extra Life. Toute l’étendue musicale du trio y est génialement représentée, allant jusqu’au bruit et la déraison : il faut entendre Charlie Looker s’époumoner « I Love You/I Love You/How I Miss You/I Buried You/We Buried You/We Buried You/I Love You » sur Ten Year Teardrop. La splendeur alchimique du groupe est alors sculptée jusqu’à son stade le plus pur, un stade proche de la magie.
On aura également remarqué la double thématique de Dream Seeds, reposant aussi bien sur le rêve que sur l’enfance. Des textes encore une fois très introspectifs et très personnels de la part de Charlie Looker. Dans le livret, une citation de Paracelse, esprit rebelle et visionnaire suisse de la Renaissance, alchimiste, astrologue et médecin, résume à elle seule la teneur illuminée et contagieuse de Dream Seeds : « Blessed is he that is born during sleep ». Dream Seeds est déjà l’album le plus ensorcelant et le plus prodigieux de cette année 2012.

Dream Seeds paraitra – pour l’instant en CD uniquement – sur Africantape le 7 mai prochain. On peut d’ores et déjà l'écouter sur la page bandcamp de Northern Spy records, le label qui s’occupe lui de la parution US. Cette chronique, vous pouvez également la lire dans le numéro 9 de Noise mag qui vient tout juste de paraitre. Enjoy.


Et comme une nouvelle n’arrive jamais seule, on peut également vous signaler qu’Extra Life sera en Europe et en France au printemps prochain – à Lyon ce sera le 3 juin, au Sonic évidemment.

vendredi 30 mars 2012

Thisquietarmy / Resurgence





Pour sa toute première sortie chez Denovali Eric Quach/Thisquietarmy a frappé un sacré coup. Jusqu’ici on avait tendance à considérer le mélange de dream pop/shoegaze à tous les étages/drone bobo de Thisquietarmy avec une certaine indulgence empreinte malgré tout d’un soupçon de condescendance désagréable : honorablement dans la moyenne, jamais bruyante ni dérangeante, la musique du jeune homme finissait par convaincre par excès de méticulosité et de précision. De l’atmosphère oui mais du bordel non. Et du danger et du sale, jamais. D’ailleurs le nom même de Thisquietarmy est très symptomatique : en dehors de l’évidence un peu facile et finalement très adolescente de l’allégorie, on y trouve à la fois la notion de musique plaisante et de netteté. Tout un programme.
Avec Resurgence Thisquietarmy fait plus qu’étoffer et intensifier son propos. Eric Quach gagne notoirement en qualité et en pertinence – du moins pour nos petites oreilles – et les conséquences en sont plus que bénéfiques : que Thisquietarmy explore, même discrètement, de nouveaux genres devient d’autant plus appréciable que par ailleurs il s’améliore sur tous les tableaux. Ainsi Thisquietarmy passe de la catégorie bon petit one man band à visée expérimentale consensuelle à celle, moins dépréciative, de one man band qui va voir ailleurs si j’y suis.
Mais où va donc désormais Eric Quach ? Principalement du côté d’un kraut rock assez froid mais incarné, parfois à grands renforts de rythmiques appuyées et outre le fait que Resurgence est de très loin le disque le plus inspiré de Thisquietarmy (comprenez le disque le mieux composé) il est aussi et surtout le plus varié et le moins monotone. Son écoute s’avère instinctive et passionnante, surtout pour un disque quasiment instrumental. Seul le dernier titre de Resurgence est une chanson à proprement parlé, avec en invitée à la voix une certaine Meryem Yildiz (?). Ce Gone To The Unseen conclue superbement l’album avec une touche de gothique flamboyant qui est à la fois une expérience unique au sein de l’album et en même temps un point d’orgue qui tient tout de l’épilogue.
Resurgence a été enregistré sur une période assez longue – de 2007 à 2011– et Eric Quach revendique logiquement un travail en profondeur et libérateur. Il a ainsi souhaité que tout le matériel envisagé pour l’album figure dessus d’une manière ou d’une autre : un deuxième CD (l’édition vinyle comprend un deuxième LP et un 7’ en bonus) compile tous les titres non inclus sur l’album initial. On y retrouve une version raccourcie de To The Unseen ainsi que six autres titres, inédits donc, dont un The Cold Vacancy agrémenté de beaux spoken words déclamés par Zena Virani. Loin de dénaturer Resurgence, ce CD bonus, peut être pas aussi varié, le complète à merveille et puisque la volonté d’Eric Quach/Thisquietarmy était de se « débarasser » de tout son matériel avant de passer à autre chose et de se lancer dans de nouvelles directions, on a tendance à penser qu’il a très bien fait de procéder ainsi.

jeudi 29 mars 2012

Daniel Menche / Guts





Daniel Menche a commencé à publier des disques en 1993 sur le quasi mythique label Soleilmoon recordings. Depuis il est passé par Trente Oiseaux (le label de Bernard Gunter), Alien 8, Beta-Lactam Ring, Tesco, Blossoming Noise et Les Editions Mego. Une liste qui pour les amateurs de Menche en dit long sur la qualité du travail de cet insaisissable américain. Insaisissable parce que plutôt versatile bien qu’œuvrant toujours dans les sphères des musiques retraitées, acousmatiques, etc. Avec à la fois une exigence profonde voire quasiment maniaque et un parti-pris iconoclaste, surtout non conventionnel, finissant par abolir les frontières entre les musiques dites « sérieuses » c'est-à-dire très théorisées et finalement ennuyeuses et pénibles à écouter et le plaisir du chaos sonore, du fracas poétique de la musique industrielle.
La musique industrielle, c’est bien à elle à laquelle on pense en premier avec Guts, officiellement le 46ème enregistrement long format de Daniel Menche (sous son seul nom ou en collaboration) et publié en début d’année par les Editions Mego de Peter Rehberg. Un disque qui explose sévèrement et de toutes parts dès Guts 2 x 4 : on hésite à voir dans ce titre comme un hommage à Einsturzende Neubauten ou plus simplement l’explication de la méthode peut être employée ici par Menche pour construire ce premier titre, c'est-à-dire l’empilement de plusieurs couches différentes élaborées à partir d’un même matériau. Cela fait un bruit pas possible et en même temps c’est plein d’harmoniques très surprenantes et enivrantes.
La raison en est que c’est le piano qui a servi de point de départ à ce nouveau travail de Menche. En tendant bien l’oreille on pourra reconnaitre quelques unes de ces vibrations déformées qu’enfant on prenait plaisir à extraire du piano de la grande sœur en tapant dessus à poings fermés durant l’absence de tout le reste de la famille. La sensation assez jubilatoire de maltraiter un instrument de musique qui n’en demandait pas tant. Mais Daniel Menche ne tape pas simplement sur un ou des pianos. Il les éventre, les dissèque, les torture, brisant les cadres, frottant les cordes, utilisant on ne sait quel outillage aussi bien matériel qu’électronique.
Ce  n’est donc pas du piano que l’on entend, ni même une destruction de piano, mais la métamorphose monstrueuse et complètement folle d’un instrument de musique mutilé et bafoué en un conglomérat métallique et extrême à la fois porteur de bruits intenses, de vibrations fantomatiques et de significations abstraites. Guts 2 x 4 est le versant jusqu’au-boutiste de Guts mais la suite est nettement plus calme (Guts 2) voire atmosphérique et profonde (Guts 3 et Guts 4). Parfois on pense à certains travaux de Z’ev – même insistance, même densité et mêmes couleurs industrielles – et on se laisse bercer par une musique née de la destruction et qui, loin de susciter l’effroi et le rejet, stimule l’imagination sans complaisance.


Daniel Menche est actuellement en tournée européenne avec seulement deux dates françaises : le 30 mars aux Instants Chavirés à Montreuil et le 31 mars à Lyon au Sonic – pour cette seconde date, le programmateur du lieu a eu la bonne idée de mettre Daniel Menche le même soir que This Will Destroy You, cela permettra aux post hardcoreux du coin de découvrir une musique autre que celle élaborée à partir d’une surabondance de pédales d’effets branchées sur des guitares insipides.

mercredi 28 mars 2012

Louis Minus Seize / Birds And Bats





Louis Minus Seize est un quartet composé d’Adrien Douliez au saxophone alto, au piano et à la voix, de JB Rubin au saxophone ténor, de Maxime Petit à la basse (électrique) et de Frédéric Lhomme à la batterie. Ça me fait plaisir de citer les noms de ces quatre jeunes gens parce ce groupe est arrivé de nulle part et que Birds And Bats – semble-t-il le premier album de Louis Minus Seize – est une bonne et belle surprise.
Quand je dis « arrivé de nulle part » ce n’est cependant pas tout à fait vrai : on a déjà croisé le chemin de Tandori records à propos de groupes tels que Maria Goretti Quartet et Berline0.33. Aussi cela ne m’étonnerait absolument pas qu’il y ait de la connexion nordiste là-dessous. L’autre label qui a produit Birds And Bats s’appelle Proot records et je vous laisse découvrir le catalogue et l’identité graphique de cette petite maison en allant faire une visite de courtoisie sur son site vraiment très coloré.
De la couleur il n’y a pourtant pas beaucoup sur la pochette sérigraphiée de Birds And Bats. Du noir et un gribouillis argenté (entre toile d’araignée déchirée et circuit électronique fondu) comme je les aime : on n’y voit rien de précis mais on peut l’interpréter comme on le veut en imaginant toutes sortes de correspondances nouvelles entre les lignes et les formes qui apparaissent et disparaissent. Une façon engageante d’appréhender Birds And Bats, comme une invitation à se laisser aller. Et la meilleure façon d’écouter un disque. Ne rien savoir sur lui avant.
Evidemment j’ai un peu triché en décrivant en début de chronique le line-up de Louis Minus Seize. On peut se douter qu’il y a un fond de jazz là dedans. Un fond comme dans le fond de l’air est frais. Mais il ne faut surtout pas avoir peur des étiquettes. Car Louis Minus Seize les envoie valser avec une facilité et un naturel désarmant. Du jazz il y en a donc. Mais du jazz de maintenant ce qui signifie que lorsqu’on écoute Louis Minus Seize on n’écoute pas un vieux machin qui rend hommage à la musique de nos grands pères ou de nos pères, on n’écoute pas une prétendue modernité qui se nourrit de nostalgie, non, on écoute une musique qui nous va droit au cœur, parfois presque irrationnellement instinctive, immédiate et en même temps d’apparence très pensée. Ecouter Birds And Bats revient à se dire « voilà c’est tout à fait ça » tout en étant en même temps incapable d’expliquer pourquoi c’est justement ça.
Et dans un sens c’est tant mieux. On peut bien sûr trouver quelques éléments qui expliqueront le fait que Birds And Bats est un disque aussi touchant. Et on se gardera bien de trop développer d’explications à leur sujet. Mais par exemple il y a ces moments où les deux saxophones jouent à l’unisson ; ou la basse électrique qui tire souvent Louis Minus Seize vers autre chose que du jazz, vers des horizons bien plus secs et bien plus tendus ; ou cette batterie et ces percussions très présentes ; ou – enfin – le chant rauque et la déflagration finale (presque à la punk) de 666 Blues. Birds And Bats est un disque qui tire son essentialité de son évidence. Le reste est uniquement une affaire de beauté et de profondeur.

mardi 27 mars 2012

Unsane / Wreck





Tout nouvel album d’Unsane permet de se poser éternellement la même question : pourquoi faire ? Wreck a été publié le 20 mars par Alternative Tentacles. Et si on excepte les deux albums live de 1997, l’excellente compile de singles de la première période du groupe, le disque de Peel Sessions et la compilation/best of/DVD Lambhouse chez Relapse en 2003, Wreck n’est que le septième album publié par le trio new-yorkais depuis 1991. Or – bien que chacun ait dans son panthéon personnel un album favori d’Unsane qui se détache de tous les autres – le constat est que le groupe n’a que peu évolué depuis ses débuts. Unsane fait partie de ces groupes qui ont inventé un genre à part entière et qui n’en démordent pas. Qu’importe si le trio se répète puisqu’il est aussi l’initiateur de sa musique – souvent imité, jamais égalé.
Donc à quoi sert un nouvel album d’Unsane ? En théorie à rien. Le vieux répertoire du groupe est gonflé de tubes et revoir Unsane en concert équivaut à revisiter le hit parade de la noise hardcore des new-yorkais. L’année dernière, lorsque Unsane était revenu pour la énième fois visiter la vieille Europe, le trio n’avait pas eu besoin de nouvelles compositions. Il avait suffi à Chris Spencer et Dave Curran d’allumer les amplis, de les régler sur 11, de brancher les guitares et c’est tout.
Unsane fait du Unsane et en fera toujours, du moins c’est ce que l’on pensait jusqu’ici (sans compter que même avec ses side-projects Chris Spencer a toujours été incapable de réellement changer de style – écoutez donc un peu The Cutthroat 9). Aussi un nouvel album du groupe était des plus facultatifs. Mais bien sûr on n’est jamais à l’abri d’une bonne surprise comme par exemple l’excellent Visqueen en 2007 alors que Blood Run en 2005 avait un côté barbant. On a donc écouté Wreck. Et au début la déception a été d’importance. Unsane a pris le parti-pris de changer deux ou trois choses. Mais ce sont ces choses là que l’on entend en premier.
Revenons à notre question de départ : à quoi sert un album d’Unsane ? Chris Spencer, Dave Curran et Vinnie Signorelli ont décidé qu’il fallait en faire quelque chose de ce nouvel album et ne pas se contenter d’enregistrer un album de plus. Le problème, vu le résultat, c’est qu’au contraire Wreck est avant toutes choses exactement un album de plus. On ne dira pas un album de trop mais le cœur y serait presque tant certains nouveaux titres sentent littéralement mauvais (non ils ne sentent pas la sueur, le sang et l’alcool, ils se contentent de puer). Les pires étant l’effroyable Stuck et le presque putassier Decay. Sur tout le restant des titres, presque la moitié n’arrive qu’à susciter un profond ennui. La liste des moments de bravoure, parce qu’il y en a tout de même, se raccourcit de plus en plus. Citons le titre d’ouverture (Rat), Metropolis (bien nerveux à l’ancienne) et Roach. En ajoutant – par pure complaisance – le très typique No Chance (et son intro à l’harmonica qui rappellera forcément Alleged de l’album Scattered, Smothered & Covered en 1995), plus Pigeon (déjà présent sur le EP digital chez Coextinction recordings), Wreck atteint tout juste la moyenne. La moyenne, est-ce bien suffisant pour un groupe de la trempe d’Unsane ? Il faudra bien s’en contenter…

lundi 26 mars 2012

Report : Volcano The Bear au Sonic - 22/03/2012


Je ressens à peu près toujours la même chose à chaque fois que je débarque au Sonic : la péniche est toujours ouverte, il y a toujours des bons concerts de programmés, les patrons sont toujours aussi souriants, le homeboy s’active toujours derrière sa console de son*… et alors je peux respirer un grand coup.
Le Sonic fêtera bientôt son sixième anniversaire – la vrai date c’est le 1er avril, sans déconner – mais le cœur n’y est plus tout à fait. Suite à des démêlés administratifs la salle n’a plus d’autorisation de fermeture tardive aussi la soirée d’anniversaire est-elle purement et simplement annulée – tout comme les autres soirées, celles que le Sonic organisait ou accueillait le week-end et qui permettaient à la salle de financer son activité et, entre autres, d’organiser des concerts à risques les autres soirs.



Je me demande toujours comment les personnes qui s’occupent du lieu ont fait pour tenir pendant ces six années. Je me demande également si elles auront la force, le courage et les moyens financiers d’en tenir une de plus. Rien n’est moins sûr. Aussi, lorsque l’affluence à un concert de qualité se révèle comme ce soir (relativement) décevante, le moral des troupes s’en ressent automatiquement. Quand on vous dit qu’à Lyon ça se vraiment passe mal question musiques alternatives et que cela ne semble qu’empirer.
Le service information et propagande de 666rpm vous tiendra bien sûr au courant des développements éventuels concernant les problèmes administratifs et politiques du Sonic – pour l’instant l’équipe gérante du lieu tente de résoudre les dits problèmes par la voie diplomatique, ce qui de manière pas très surprenante ne semble pas aboutir donc il n’est absolument pas exclu que le Sonic lâche bientôt les chiens comme ont déjà pu le faire le Clacson à Oullins et surtout Grrrnd Zero à Lyon/Gerland.



Le label qualité de la soirée** est donc assuré par Volcano The Bear dont c’est déjà le quatrième passage à Lyon depuis décembre 2007. Disons tout de suite que cela n’a pas été le meilleur concert du duo anglais (auparavant trio mais également quartet, comme quoi plus on est de fous et plus on rit ce n’est pas toujours vrai) auquel j’ai pu assister. Mais un concert en deçà de Volcano The Bear sera toujours mieux que n’importe quelle prestation hautaine et hasardeuse de n’importe quel groupe arty – je ne citerai pas de noms mais des groupes arty merdiques je souhaite qu’on n’en manque jamais, sinon la vie sera forcément moins drôle.
Daniel Padden et Aaron Moore restent malgré tout en grande forme et demeurent toujours aussi experts en théâtralité absurde et en attitude ironique so british. Le mélange de musique improvisée, folk, musique acousmatique et rock bruitiste de Volcano The Bear fonctionne étrangement mais il fonctionne*** – la seule différence étant que pour ce concert au Sonic il y a eu quelques petites baisses de régime et quelques moments de flottement mal gérés notamment lors des transitions entre les titres****.
Quelques bas peut-être mais surtout suffisamment de hauts pour être à nouveau émerveillé et conquis par ce groupe sans égal ni équivalent. Pourtant les meilleurs passages ont été ceux pendant lesquels Volcano The Bear a été le moins outrancier, le moins barré et lorsque le groupe s’est laissé porté par une douce extravagance un rien mélancolique et surtout poétique – le final avec Aaron Moore assis en compagnie de sa trompette sur la grosse caisse de sa batterie suscitant immédiatement l’enthousiasme du public survivant, lequel a réclamé et obtenu un titre en rappel.



En première partie il y avait Les Marquises. Je n’ai absolument rien de constructif à dire à propos de ces jeunes gens et de leur concert appliqué si ce n’est qu’il m’a permis de vérifier une fois de plus qu’avec les ans qui passent je me transforme doucement mais sûrement en gros pépère. Il y a deux manifestations principales chez toute personne souffrant du syndrome de pépèrisation : premièrement on assiste à un concert (en général un concert de miel-pop ou de pousse-laptop) et on passe son temps à se dire qu’on préférerait écouter cette musique chez soi, bien calé dans un fauteuil confortable et enveloppant ; deuxièmement on assiste à un autre concert (principalement un concert de punk, de hardcore, de noise ou de metal) mais au contraire on ne supporte que difficilement toute cette agitation de jeunes écervelés alors là aussi on préférerait être ailleurs, loin de tout ce bruit et de toute cette anarchie autodestructrice.
Avec Les Marquises on rentre complètement dans le premier cas de figure. J’imagine très bien pouvoir écouter le groupe à la maison en sirotant une verveine-menthe. Véritable incongruité au sein du groupe : un trompettiste déconneur à la carrure comme au charisme écrasant celles et ceux de ses petits camarades de jeu. Une deuxième anomalie : Corne De Brume, un long titre instrumental joué en milieu de set et presque furieusement kraut rock. J’aurais bien aimé que Les Marquises aillent davantage dans cette direction et non pas celle d’une pop vaguement expérimentale et trop geignarde à mon goût.

* il y a au moins une private joke dans cette phrase, sauras-tu la retrouver ?
** label qualité que l’on pouvait percevoir rien qu’en regardant l’affiche
*** Volcano The Bear vient de publier Golden Rhythm/Ink Music, un nouvel album studio (le premier en sept ans parait-il) sur le célèbre label norvégien Rune Grammofon : on en reparle très bientôt
**** curiosité vraiment très drôle en plein milieu du concert de Volcano The Bear : une reprise de Prince

dimanche 25 mars 2012

Comme à la télé / Sheik Anorak




Il est jeune, il est beau, il fait de la musique tout seul – à l’aide toutefois de quelques pédales, de loop stations, de ses deux pieds, de ses deux bras, de sa tête et de son cœur – et imparablement sa profession de foi reste Noise Is Sexy.
Sheik Anorak a été filmé en plan fixe en mars 2012 dans son local de répétition à Grrrnd Zero par Amaury Riega. On reconnaitra au passage et malgré la rudesse de la prise de son la réinterprétation d’un des tubes extraits de l’album Day 01 ainsi que cette « nouvelle » composition, la première de Sheik Anorak à inclure du chant. Enjoy.




On fera également remarquer – puisque Sheik Anorak répète, compose et crée à Grrrnd Zero – que le collectif lyonnais est toujours expulsable de ses locaux. Toutes les informations sont sur le site de Grrrnd Zero et il est plus que jamais conseillé de s’inscrire à la newsletter pour obtenir régulièrement des nouvelles fraîches. Il y a des dizaines de groupes talentueux et pas des moindres qui sont ainsi abrités par Grrrnd Zero.

Enfin on tient à réaffirmer deux choses importantes :

- contrairement à ce qu’affirme la marie de Lyon, des propos que relaient stupidement certains media locaux sans prendre la peine de vérifier leurs informations à des sources différentes, Grrrnd Zero ne représente pas des sommes faramineuses déjà financées par la mairie pour aider le collectif, et loin de là
- d’autre part que le festival encarté des Nuits Sonores ait eu toutes les autorisations et les financements pour s’installer dans les locaux contigus de Grrrnd Zero alors que le collectif est plus que jamais sur la corde raide, le tout en jouant hypocritement et en même temps la carte de la solidarité et de l’investissement confraternels vis-à-vis de Grrrnd Zero, est un vrai scandale, de la récupération pure et simple et de la bonne conscience pour pas cher. Comme si les Nuits Sonores pouvaient avoir des retombées sur Grrrnd Zero et son activité artistique militante… on croit rêver !

vendredi 23 mars 2012

Adolf Butler / Holland




De la provocation certes un peu trop facile mais foutrement efficace. Avec une pochette reprenant les couleurs du drapeau des Pays-Bas, un vinyle couleur orange mimolette radioactive, un nom d’album on ne peut plus explicite (plus verso de pochette expliquant aux béotiens ce qu’est précisément la Hollande) et un nom de groupe qui fait fureur, Adolf Butler a tout pour plaire. Pour un peu, si d’aventures on croyait encore un tant soit peu en l’efficacité du simulacre démocratique qui sévit toujours au sein de nos vieilles civilisations occidentales avancées et supérieures, on irait de bon cœur voter pour cette petite bite d’Adolf. Mais Adolf ne se présente pas aux élections. Adolf en a rien à foutre. Adolf préfère le bordel, le chaos, l’anarchie, la dévastation, la bière, la défonce, l’automutilation, l’inutile et le bruit. Préparez les longs couteaux, baissez vos frocs et attendez-vous au grand n’importe quoi.
Le crédo d’Adolf Butler sur Holland est très simple : Heil Flipper ! Heil Butthole Surfers ! Heil Drunk With Guns ! Heil Brainbombs ! Heil Clockcleaner ! Adolf Butler s’inscrit dans cette longue lignée de groupes plus ou moins maudits ou frappadingues et à l’amateurisme triomphant érigeant la gangrène du bruit comme principe fondamental de leur hardcore punk et noise. De l’approximation il y en a souvent, des impasses également mais des coups de mou et du ventre plat, ça jamais. Ou comment en prendre vraiment plein la gueule, faire le plein pour la journée (ou la semaine ou le mois, tout dépend du niveau de névrose de l’auditeur) de violence musicale, crade et un rien malsaine. La fête du slip mais uniquement si celui-ci a déjà servi plusieurs jours d’affilée.
Alors que les petits gars d’Adolf Butler fassent semblant ou pas, on s’en fout un peu, beaucoup. S’ils le font effectivement, ils ne seraient pas les premiers simulateurs de l’histoire du rock’n’roll, ils seraient même un excellent groupe arty de plus, à l’image de tous ceux qui pullulent du côté de Brooklyn comme autant de pustules sur le cul nécrosé d’une actrice porno vintage enfin à la retraite – actrice à qui il n’est jamais venu non plus à l’esprit de quiconque de reprocher qu’elle était également simulatrice. S’ils sont aussi débiles et attardés (dans le village des mes ancêtres on disait « finis à l’urine ») qu’ils le prétendent et bien on ira un jour avec grand bonheur cracher sur leurs tombes en guise de reconnaissance éternelle. En attendant on se prend les douze titres de Holland en intraveineuse plusieurs fois par jour. Amusons nous en attendant la mort.

[Holland a été publié par Motorwolf en 2011 en vinyle orange (100 copies) et en vinyle noir (200 copies) – comme Adolf Butler est un vrai groupe de losers, ils ont encore plein d’exemplaires orange en stock… alors faites-vous plaisir]

jeudi 22 mars 2012

The Skull Defekts / 2013-3012




Sorti dans la quasi-indifférence générale à la fin de l’année 2011, 2013 - 3012 est un EP 12’ des Skull Defekts qui réunit pourtant presque le même line-up que le génial Peer Amid : les quatre membres du groupe de base proprement dit (Joachim Nordwall à la guitare, Daniel Fagerström à la guitare également, Henrik Rylander à la batterie et Jean-Louis Huhta à tout le reste) plus Daniel  Higgs de Lungfish à la voix mais également Asa Osborne de ces mêmes Lungfish à la guitare. Oui, vous avez bien lu : Daniel  Higgs et Asa Osborne sur un même enregistrement.
Aussi cela n’étonnera personne de savoir que 2013 – 3012 est l’enregistrement des Skull Defekts le plus proche de Lungfish. Jusqu’ici la ressemblance n’avait pas été aussi flagrante que cela – hormis (mais seulement parfois) la voix de Daniel Higgs dont la façon de chanter a pourtant bien évolué depuis 1990 et au fil des enregistrements de l’un des groupes incontournables de l’indie US tendance punk emo pop à la Dischord – et il faudrait être d’une sacrée mauvaise foi pour oser prétendre le contraire. De mauvaise foi ou complètement sourd, ce qui n’est pas incompatible.
Grace à 2013 – 3012 les tenants de la théorie stupide comme quoi les Skull Defekts auraient presque tout pompé sur Lungfish pourront donc toutefois brièvement triompher. Children Of The Skull Defekts en devient même très gênant : l’auditeur est partagé entre le sentiment d’écouter à nouveau du Lungfish presque pur jus (l’auditeur est un vrai fan complètement aveuglé, ça c’est sûr) et celui d’avoir affaire à une resucée bas du front et bas de gamme de son groupe préféré des 90’s américaines (cet autre fan est déjà plus exigeant mais tout aussi nostalgique). Avec Beyond Within et Embryo, les deux autres titres de 2013 – 3012, c’est un peu la même histoire quoi que Beyond Within ressemble déjà plus à du Skull Defekts, ce qui n’empêche pas Daniel Higgs de s’y livrer à une caricature grandeur nature de lui-même, chantant toujours plus comme à l’époque de Lungfish et surtout comme il ne l’avait plus fait depuis longtemps. On ne peut qu’avouer que tout ceci est au mieux inutile et au pire consternant. Et on est vraiment très loin de la magie incantatoire et messianique de Peer Amid.


Mais ce n’est pas fini. Les Skull Defekts sont des petits blagueurs et le titre de cet EP, 2013 – 3012, aurait presque pu nous mettre sur la voie. La face B du disque est occupée par les mêmes trois titres mais tout est à l’envers. Et quand on dit tout, c’est vraiment TOUT. Le premier titre (Children Of The Skull Defekts) se retrouve en dernière position sur la liste, toutes les lettres des titres sont inversés dans tous les sens du terme (à la fois dans leur ordre et dans leur orientation) et – cerise sur le gâteau – cette face B est également gravé à l’envers, commençant par son centre, se terminant à la périphérie, écoutable uniquement que si on lit le disque en tournant manuellement le plateau à l’envers (si on actionne le moteur de la platine le bras saute et atterrit dans le décors). De quoi vous occuper vous et vos enfants, si jamais vous ne savez pas quoi faire de vos soirées. On rit cinq minutes et puis on laisse tomber. Le pire étant que le coupon mp3 propose également les trois titres à l’envers. Un grand merci à Thrill Jockey de permettre aux Skull Defekts et à Daniel Higgs de sûrement réaliser un rêve d’enfant, celui d’enregistrer le palindrome phonographique absolu.

mercredi 21 mars 2012

Songs Of Self Reliance And Solitude As Performed By The Austrasian Goat And Hallowed Butchery




 Songs Of Self Reliance And Solitude As Performed By The Austrasian Goat And Hallowed Butchery. Un split au format 10 pouces. Une très belle pochette sérigraphiée en noir sur du carton de couleur argentée. Trois chansons sur l’autarcie et la solitude. Deux one man bands : The Austrasian Goat et Hallowed Butchery. Si on connait et apprécie beaucoup le premier*, le second est quant à lui un parfait inconnu de nos services.
Alors c’est presque logiquement que l’on commence par la face Hallowed Butchery, la curiosité étant mère de tous les vices. De son vrai nom Ryan Fairfield, notre homme indique pratiquer du progressive doom metal – amis des étiquettes bonjour. Il n’empêche que le métalleux moyen devrait assez mal s’y retrouver s’il venait à écouter ce très étonnant Hexagram : The God Of Self. Un titre qui surprend d’emblée par la sécheresse rigoureuse de sa production, en particulier le son de la guitare, tout d’abord aux tonalités métalliques très acides difficilement datables (du moins très éloignées des canons actuels) et deuxièmement ne semblant pas être pas accordée aussi bas que chez la plupart des groupes de doom. Cela donne un côté très mécanique voire robotique et distancié à Hexagram : The God Of Self, un côté contrastant avec les soli de guitares dont le titre est truffé sur toute sa longueur – même Julien de The Austrasian Goat joue en invité pour l’un d’entre eux. On finit par déceler un trip très new wave of british heavy metal dans ces guitares solistes alors que les rythmiques restent volontairement hermétiques.
Autre originalité de Hallowed Butchery, le chant de sorcière qui laisse progressivement mais assez rapidement tout de même la place à un chant clair qui gagne de plus en plus en lyrisme à l’outrance un rien pailletée. Hexagram : The God Of Self bascule totalement dans l’étrange mais un étrange très attirant et séduisant – comme lorsqu’on ne peut détacher son regard d’une malformation physique qui pourtant nous répugne. L’écoute de Funeral Rites For The Living, premier album d’Hallowed Butchery en 2009, devrait nous en apprendre un peu plus… mais le bonhomme semble assez insaisissable puisqu’il vient d’annoncer que son groupe était devenu un duo, sa propre femme occupant désormais le poste de chanteuse principale.
Sur l’autre face The Austrasian Goat surprend beaucoup moins mais séduit toujours autant. Nailed Down et Hikikomori ne sont pas les deux plus belles compositions de The Austrasian Goat – on se serait même attendu à ce que la première soit développée sur un peu plus de longueur – or elles suffisent à rappeler toute la créativité d’un musicien obsédé par la noirceur profonde et les brumes malfaisantes, comme si les Swans étaient nés du côté de la Norvège et de la Suède au tout début des années 90. Encore une belle réussite.

Songs Of Self Reliance And Solitude As Performed By The Austrasian Goat And Hallowed Butchery est publié à 300 exemplaires par Vendetta records, tout comme le LP Funeral Rites For The Living, la cassette A Canticle Of The Beast et un autre split (partagé avec Batilius) d’Hallowed Butchery.

* juste pour mémoire une chronique du magnifique album Stains Of Resignation, une autre du split avec Neige Morte et une troisième du 7’ Witch

mardi 20 mars 2012

Great Falls / Coextinction EP + A Death Cinematic - Great Falls / self titled





Certains avaient pu être un tantinet chagrinés par l’album sans titre que Great Falls a publié en 2011, le premier disque officiel du groupe de Demian Johnston et Shane Mehling – tous les deux ex Playing Enemy, faut-il encore une fois le rappeler ? – à avoir été enregistré à trois c'est-à-dire en compagnie d’un batteur et non pas avec une boite-à-rythmes. Reprenant la quasi-totalité des titres de son prédécesseur Fontanelle, cet album péchait parait-il par le rendu de la batterie, en particulier celui de la caisse claire. On admet que le son de cet instrument n’est pas ce qu’il y a de mieux sur cet enregistrement précis et on apprécie au passage l’ironie de la chose puisque la personne responsable du dit enregistrement n’est autre que le batteur Phil Petrocelli, oui le désormais troisième membre de Great Falls.
Comme pour remettre les pendules à l’heure le trio a dans la foulée publié à l’automne 2011 trois autres titres sous la forme d’un EP digital et sur le label Coextinction recordings (le label de Chris Spencer et de Dave Curran d’Unsane). « Digital » cela signifie que le disque en question n’existe que dans tes rêves, qu’il faudra te contenter de trois fichiers mp3, le standard musique parait-il unique de demain…
Quoi qu’il en soit Horsefeet, le très long et serpentin Replace Me With Fire et le plus énervé mais non moins tordu Stringer donnent à entendre des nouveaux titres composés à trois et surtout pour un groupe de trois personnes. La batterie y sonne très bien, (caisse claire comprise) et d’une manière générale cet EP est de loin ce que Great Falls a enregistré de mieux à ce jour : supériorité des compositions aussi massives que malsaines, interprétation rude et franche et enregistrement à la hauteur (donc). Un excellent présage pour l’avenir de Great Falls, maintenant on attend un véritable album – et en dur s’il vous plait les gars, du vinyle par exemple.



Publié à retardement par Dead Accents, le propre label D.I.Y. de Demian Johnston, le disque sans titre réunissant A Death Cinematic et Great Falls est une autre occasion d’entendre le trio. Il faut cependant passer par les deux compositions atmosphériques signées A Death Cinematic, Ajax Storm Wood de son vrai nom (?!), one man band gratouilleur et amateur de superpositions de nappes de guitare un rien saturée et noyée de reverb. Swimming In The Fires et Where The Ocean Touch The Sky utilisent une recette éculée dans laquelle A Death Cinematic n’est  pas le meilleur mais le garçon tire son épingle du jeu (ainsi que d’un certain ennui malheureusement trop souvent inhérent au genre) en privilégiant le côté brut et grésillant de la face obscure – Where The Ocean Touch The Sky gagne même le très prisé bonus romantique en incorporant de la musique de cow-boy dépressif ainsi que des samples de bruits de vagues (évidemment).
Ces deux titres ont été enregistrés en 2008 mais le troisième, Locust Skies Taken To The Horizon, date de 2011 et est une collaboration entre A Death Cinematic et les trois Great Falls. Une bonne trempette très répétitive, maladive et bien névrosée à base d’une rythmique aussi lourde et pesante que lente et malsaine et de couches de guitares qui s’entrecroisent dans des tourbillons sans fins. C’est presque une surprise, Demian Johnston se fend d’un peu de chant, en fait plus des cris à rallonge qu’autre chose, le tout à nouveau noyé dans une reverb dangereusement apocalyptique et Locust Skies Taken To The Horizon, qui à la base n’est qu’une improvisation, finit par dégager une force et une noirceur qui rappelle les titres très lents et très lourds que Godflesh enregistrait il y a deux décennies et demi au début de jeune carrière. Rien que pour ce dernier titre en forme de one shot suicidaire ce disque tiré à 127 exemplaires vaut le détour.

lundi 19 mars 2012

Death To Pigs / Live At Karachi





Enfant attardé, jeune adolescent et même plus tard à l’âge adulte (mais refusant toujours de grandir), je croyais fermement que lorsque un membre important d’un groupe décidait de quitter le navire ou venait à disparaître plus ou moins tragiquement, le groupe en question  devenait forcément moins bon, moins estimable et donc moins digne d’intérêt et de vénération. A la poubelle pour ainsi dire.
Quelques sociologues experts en musique et en comportements fanatiques auraient sûrement désigné cette façon de penser du nom de syndrome de Bon Scott tant il est vrai que la mort de Ronald Belford Scott en 1980 a très nettement coupé en deux la carrière d’AC/DC. Mais j’ai d’autres exemples, pas toujours très reluisants il est vrai : Paul Di Anno expulsé d’Iron Maiden par le bassiste plénipotentiaire Steve Harris fin 1981 en raison de son alcoolisme forcené, John McGeoch qui se fait virer des Banshees en octobre 1982 (et pour les mêmes raison que Paul Di Anno), Simon Gallup lui aussi viré des Cure en 1982 après l’enregistrement et la tournée consécutive à Pornography, Ben Gunn remplacé par Wayne Hussey en 1983 au sein des Sisters Of Mercy, Rozz Williams qui disparait de Christian Death en 1985, Cliff Burton qui meurt dans un accident de tour bus le 26 septembre 1986, Fabrice Barthelon qui quitte les Ludwig Von 88 en 1987, Mac McNelly qui abandonne The Jesus Lizard en 1997, Xavier Keiser Théret qui se fait balourder d’Overmars pendant l’été 2009, etc. Et puis il y a également quelques solides contre-exemples : qui en a encore quelque chose à foutre en 2012 que dans Napalm Death il n’y ait plus aucun des membres d’origine et ce depuis plus de vingt ans ? Personne.
Lorsque est parvenue la nouvelle du départ du guitariste de Death To Pigs – qui se consacre désormais pleinement à La Race, à Judas Donneger et sûrement à deux ou trois autre trucs dont je n’ai même pas idée – j’ai donc logiquement pensé que s’en était fini de Death To Pigs. Ce qui était, disons le tout de suite, une profonde erreur de jugement. D’abord, que je sache, le guitariste en partance, quelle qu’ait été son importance et sa longévité au sein du groupe, n’était pas le premier à occuper ce poste. Ensuite son remplaçant n’est pas n’importe qui – ce qui encore une fois n’enlève rien à personne. Et c’est exactement là que tout se joue. Fatalement.
Live At Karachi démontre brillamment que Death To Pigs n’est décidemment pas non plus n’importe quel groupe mais peut être bien l’une des meilleures formations punk noise et post punk du moment. Car, et c’est passionnant, la musique et le son du groupe ont logiquement évolué vers quelque chose de plus touffu voire d’un peu plus lourd (les rythmiques se sont souvent ralenties et alourdies elles aussi, la basse est parfois devenue irrésistiblement groovy – l’influence des premiers PiL est plus que palpable à de nombreux moments), tout cela ayant pour résultat de faire doucement mais sûrement muter Death To Pigs en un monstre tentaculaire et insidieux ; d’un autre côté on reconnait encore et toujours le groupe et sa musique – en d’autres termes, s’il fallait parler d’évolution on dirait que celle-ci s’inscrit dans une certaine continuité, une formulation qui je l’avoue ressemble horriblement à un programme politique lénifiant qui inciterait plutôt à la désobéissance civile et aux émeutes qu’autre chose.
Sauf que là on parle de Death To Pigs : l’émeute, l’urgence, la colère, le délire, le cauchemar et la psychose sont précisément dans la musique. Alors retrouver le groupe en aussi bonne forme et aussi inspiré tout en constatant qu’il a eu l’envie, l’intelligence et les possibilités d’aller voir ailleurs est pour l’instant la meilleure et seule bonne nouvelle de cette toute dernière année d’existence d’une humanité en sursis. Live At Karachi a donc à la fois un caractère obsessionnel et fulgurant, hystérique et hypnotique, malade et revigorant. Et Death To Pigs signe là son meilleur enregistrement. Tout simplement.

Live At Karachi a été édité à 300 exemplaires en format LP + CD (une première pour le groupe) sur 213 records, le propre label du guitariste nouveau venu qui est par ailleurs l’âme damnée de The Austrasian Goat.

dimanche 18 mars 2012

Comme à la télé : Cop Shoot Cop




Direct dans ta gueule. Plus d’une heure d’un concert des géniaux et regrettés Cop Shoot Cop enregistrés en 1992 à Derby (et non pas au Rail Théâtre à Lyon !).



Un concert débordant de violence et de fracas industriel. Si tu n’as jamais eu la chance de voir Cop Shoot Cop en concert, profites-en bien parce que c’est (encore) gratuit et que c’est dimanche.

samedi 17 mars 2012

Napalm Death / Utilitarian





Utilitarian est le 18ème (?) album de NAPALM DEATH. Ce serait le 25ème ou le 47ème que cela n’y changerait pas grand-chose : on écouterait quand-même ce nouvel album, on constaterait qu’il s’agit toujours de Napalm Death et on l’aimerait pareillement, peut-être même davantage.

Voici dans le désordre quelques remarques sans intérêt à propos de ce nouveau chef d’œuvre :

- Circumpsect est une intro un rien pompeuse et presque inutile
- sur Everyday Pox c’est le saxophone alto noyé de reverb de John Zorn que l’on peut entendre – merci beaucoup John
- il y a du synthétiseur sur Utilitarian (et sûrement aussi un max de Pro Tools et de trigger)
- sur The Wolf I Feed et Orders Of Magnitude c’est le chant secondaire (et très crust) du guitariste Mitch Harris qui commence par mener la danse – Barney Greenway n’est là qu’en appui
- toujours sur The Wolf I Feed il y a une partie en chant clair qui fait penser à Fear Factory
- Quarantined est un sacré morceau qui pète sa mère
- Think Tank Trials aussi
- Aim Without An Aim également
- Fall On Their Swords, Blank Look About Face et Leper Colony About Face voient la réapparition de la pompe sous la forme de chœurs un rien emphatiques
- Nom De Guerre ne comporte pas de paroles en français mais c’est le titre le plus court et le plus rapide de l’album
- Utilitarian assure parfaitement son quota de riffs inhumains et de blast beats mais on trouve cet album une chouille plus hardcore que ses prédécesseurs (allez savoir pourquoi)
- Utilitarian a été publié par Century Media
- Utilitarian a été édité en CD, CD limité et double LP
- la version CD limité comporte deux titres en plus que la version CD normale : Aim Without An Aim et Everything In Mono
- la version double LP comporte trois titres en plus : les deux de la version CD limité plus Standardization – c’est bien dommage pour les retardataires et/ou les allergiques au vinyle parce que ces trois titres sont tout simplement excellents, surtout Standardization
- il existe une version très limitée du double album en vinyle blanc, uniquement disponible par correspondance et bientôt sur Ebay à des prix prohibitifs
- Barney Greenway a 42 ans, Mitch Harris aussi, Shane Embury 44 et Danny Herrera 41 (mais on s’en fout)
- les gars on se retrouve dans deux ans (trois maximum) pour votre 19ème album
- je vous aime, bisous !

vendredi 16 mars 2012

DDJ / Everybody Happy ?


Alors, tout le monde il est content ? Avec un titre d’album comme ça – Everybody Happy ? – et avec sa pochette très gay friendly – un bonitos sur fond rose et encore, je ne vous ai pas parlé de l’intérieur du livret qui décline toutes les couleurs de l’arc-en-ciel –, le deuxième album de DDJ ne veut pourtant tromper personne. D c’est pour Benjamin Dousteyssier (saxophone baryton), D c’est aussi pour Julien Desprez (guitare vraiment très électrique) et le J c’est pour Yann Joussein (batterie). Un trio qui, pour faire simple, oscille entre free jazz et noise rock. Encore un me direz-vous. Sauf que l’on s’intéresse là réellement au haut du panier et ce n’est pas ma faute si en ce moment les jeunes formations inventives et dépoussiérant les vieux idiomes – et les vieux idiots – semblent pulluler.



Originaires de Paris, ces trois garçons ont donc une vision aussi précise que personnelle de leur musique. Pour cela ils bénéficient de certains atouts que l’on ne rencontre pas tous les jours : l’utilisation (réussie) d’un saxophone baryton, un batteur très dynamique – il joue également dans Heretic Chaos, un groupe noise/metal du pauvre parodique, excessif et vraiment très drôle – et un guitariste dont on pense certains jours qu’il est sans doute une perle rare. Trois musiciens accomplis donc, sachant se servir de l’électricité (même le saxophone baryton est repiqué) et débordant d’enthousiasme, de créativité et d’idées. On pense entre autres à ces drôles de passages très composés où chaque mesure semble être d’une durée différente de la précédente, toute ressemblance avec un groupe de metal expé d’origine suédoise n’est pas si fortuite que cela, on pense également aux envolées très free pendant lesquelles saxophone et guitare électrique montent en flèche en un même mouvement ascendant et explosif.
Avec DDJ l’auditeur en prend pour son grade tout comme il se délecte : si le trio peut à juste titre être considéré comme un vrai groupe de free jazz, il fait également partie comme on l’a déjà affirmé de toute une mouvance qui sait aller voir ailleurs et se nourrir d’autres influences sans tomber dans les affres de la fusion artificielle et sûrement pas naturelle des genres (ou ayant l’air de l’être). Aux côtés de DDJ on compte ainsi Kouma mais également Q, IRèNe, les regrettés Kandinsky ou les Lunatic Toys (ces derniers étant un rare exemple de groupe s’inspirant de la mélodicité et de l’entrain communicatif de la musique pop). Ce n’est pas un hasard si tous ces groupes partagent parfois quelques membres en communs. Ce n’est pas un hasard non plus si les inspirations extérieurs proviennent à la fois de musiques dures ou plutôt expérimentales.
L’écoute d’Everybody Happy ? révèle toutefois certains aspects autres de DDJ, des choses que l’intensité des concerts ne permet pas toujours d’appréhender pleinement. D’abord on goûte encore plus au jeu de Benjamin Dousteyssier et à la beauté du son de son saxophone baryton. Sûrement parce que la nature de l’enregistrement et du mixage permet à la guitare de lui laisser un peu plus de place. Ainsi DDJ apparait sur disque comme un trio nettement plus équilibré. Equilibré et variant les atmosphères : Happyness est un titre presque ambiant alors que le début de Peace s’attache aux sons imperceptibles, frottements, grincements – certes avant de replonger dans une freeture bouillonnante. Sur Rose Des Bois, le saxophoniste invité Mathieu Garrouste donne une couleur un peu plus conventionnelle au free de DDJ mais n’enlève en rien cette impression d’avoir découvert un groupe qui tente de faire les choses autrement.

Everybody Happy ? est publié en CD par Coax records