vendredi 18 mai 2012

Aerôflôt / Santa Muerte






Il y a un peu plus d’un an, lors de la troisième édition du Fuckfest, Aerôflôt avait récolté un méchant vent parfumé à la merde, n’arrivant pas à dérider les sphincters rétrécis et mal embouchés d’un public parisien et breton volontairement et odieusement partisan. Heureusement pour le groupe bordelais il y a au moins deux personnes dans le public qui ce soir là avaient aimé la prestation d’Aerôflôt : moi et – beaucoup plus important – le boss et directeur artistique du label Head records.
Trois ans après Disco Negro Aerôflôt publie donc Santa Muerte, son deuxième véritable album et le premier (vous l’aurez compris) sur Head records, en version CD uniquement mais un CD comme on les aime c'est-à-dire chouettement emballé dans une pochette entièrement cartonnée, gatefold et agrémentée d’un bel artwork (signé Skal*). Aerôflôt sait soigner ses visuels, voilà un groupe d’esthètes qui de ce côté-là n’en rajoutent pas non plus. Une affirmation certaine de leurs goûts et une façon assez subtile et discrète de se démarquer et d’afficher leurs différences.
Je ne m’appesantis pas sur l’artwork et la présentation de Santa Muerte uniquement pour le plaisir – des disques géniaux avec des artworks moches ça existe aussi** – mais bien parce que la musique d’AERÔFLÔT est aussi l’une des plus vivifiantes et originales qu’il m’ait été donné d’écouter ces derniers temps. La formation du groupe est certes du genre atypique puisque comprenant un guitariste/chanteur, un joueur de synthé (un Korg je crois) qui chante un peu aussi, un deuxième joueur de synthé et un batteur (que l’on connait également pour avoir intégré le line-up de Year Of No Light en tant que second batteur). La musique d’Aerôflôt pourrait surprendre à cause de la représentation importante des synthétiseurs or il n’en est rien : tandis que l’un assure sa part dans les rythmiques en tenant finalement le rôle d’une basse, l’autre assure les mélodies – jamais écœurantes – ou les trouble-fêtes lorsque c’est plutôt la guitare qui occupe le premier plan.
Beaucoup plus fort, Aerôflôt se passe de toute dichotomie guitare/synthés – et les deux instruments finissent pas être non seulement complémentaires mais surtout parfaitement indissociables. Il n’y a pas le synthé d’un côté et la guitare de l’autre comme chez de trop nombreux groupes. L’attitude parfaitement décomplexée par rapport aux synthétiseurs c’est donc bien chez Aerôflôt qu’on la trouve tant le groupe arrive à jouer une musique aussi compacte qu’inventive, pensée qu’immédiate. Parce que les compositions sont l’énorme point fort d’Aerôflôt, des compositions en juste équilibre entre accroches mélodiques et ruades noise. Vous aurez beau chercher, vous ne  trouverez pas non plus ici de quelconques relents de ce prog 70’s qui infeste actuellement les musiques dites imaginatives et à la pointe du bon goût ; vous ne trouverez que de multiples références au post punk, celui qui est né vers la fin des années 70 dans le sillage du kraut et qui peu de temps après (au début des années 80) s’est malheureusement brutalement cassé les dents sur un mur de mièvrerie insupportable et racoleuse.
Santa Muerte est un album beaucoup moins jovial et beaucoup plus sombre que son prédécesseur. C’est surtout un disque encore plus réussi parce que plus abouti et si les quatre petits gars d’Aerôflôt tempèrent (très relativement) leurs ardeurs de jeunes chiens fous, c’est pour mieux nous toucher, nous troubler et nous émouvoir. Sur Santa Muerte les hits fracassants tels que Me Siento Mal et Master ou simplement new wave – on dirait presque Ian McCulloch qui chante sur God Is Satan – succèdent aux titres plus aventureux (Dance Of The Dead) mais Aerôflôt est encore meilleur lorsque le groupe navigue entre clair-obscur et éther – Last Blow et surtout People, dernier titre en forme d’au-revoir chargé de mélancolie.

[Santa Muerte est dispo auprès de Head records]

* dont je ne connais rien d’autre et pour qui je n’ai malheureusement pas trouvé de site internet mais j’aurais bien aimé
** le Counterclockwork de Xaddax par exemple, quelle pochette dégueulasse