mercredi 2 mai 2012

L'Etrangleuse / self titled





L'Etrangleuse est un groupe à part. Un duo formé en 2008 par une harpiste (Mélanie Virot) et un guitariste (Maël Salètes, également membre d’Orchestre Tout Puissant Marcel Duchamp). Tous les deux chantent à tour de rôle. Et pour faire vite ou donner dans le caricatural réducteur on pourrait affirmer que l’on assiste ici à la confrontation de la musique classique voire contemporaine d’un côté et du rock et du punk de l’autre. C’est bien beau les raccourcis. Mais cela donne jamais toute la vérité. Des fois c’est même précisément tout l’inverse.
Heureusement L’Etrangleuse tord rapidement le cou aux idées reçues – « de la harpe ? beurk ! sans façon ! » – et intrigue forcément. Car on ne sait jamais sur quel pied danser avec la musique du duo tant elle change d’un titre à l’autre. Allez hop, une ritournelle un rien enfantine puis un coup de post rock puis un titre que l’on pourrait qualifier de Gastr Del Sol rendant hommage à John Fahey (Meeting With The Kankouran pourtant d’inspiration africaine) puis un titre folk puis une reprise de Kletka Red (le très beau Kasyak Lubvie) puis un peu de post punk, des percussions maliennes jouées par Aymeric Krol, quelques samples, encore une chanson folk… et pourtant on écoute toujours le même disque et toujours le même groupe – mais sans que l’on en doute une seule seconde, finalement.
Tout en voltigeant d’un style à l’autre, tout en butinant ça et là, L’Etrangleuse parvient à s’affirmer et à séduire. Une certaine douceur généralisée, une finesse assez exemplaire dans notre monde actuel dominé par des brutes épaisses et sans discernement, une précision toute intimiste et poétique, un minimalisme rêveur, une qualité des compositions reconnaissable. Tout ça est à mettre à l’actif d’un groupe bien moins discret et fluet que l’on aurait cru de prime abord. Les sonorités de la harpe résonnent non sans une certaine profondeur expressive et parfois l’électricité s’installe durablement elle aussi (Dead Bodies Under Christmas Trees, mon titre préféré de l’album).
Invité de première classe, G.W. Wok – ancien chanteur de The Ex et dont l’album Nowhere, No Where, Now Here en compagnie de Cannibales & Vahinés ne saurait désormais trop tarder – fait une apparition remarquée sur Writer’s Blog. Un featuring qui finira peut-être de convaincre les plus réticents alors qu’ici on pense, malgré toute la réussite de cette collaboration, qu’un tel argument ne devrait pas être nécessaire. Cet album de L’Etrangleuse a suffisamment de qualités en forme de beauté fugitive pour susciter l’adhésion sans condition.

Ce disque sans titre a été publié en février 2012 par Les Disques De Plomb en format LP avec un poster et un code de téléchargement. Après Marvin, Zëro, Binaire, Nicolas Dick et l’Enfance Rouge le label confirme ainsi son penchant naturel pour les musiques aussi fortes qu’intrigantes. Pourvu que ça dure.