jeudi 17 mai 2012

Q / self titled





Q est un trio dans lequel on retrouve Julien Desprez (DDJ, IRèNE, Linnake, etc) à la guitare électrique. A ses côtés il y a Fanny Lasfargues à la basse ainsi que Sylvain Darrifourcq à la batterie. Et il n’est pas faux d’affirmer que cet album sans titre – le premier disque de Q me semble-t-il – est un disque de guitares. Il n’y a pratiquement que ça, de partout et tout le temps. Normal me direz-vous, puisque toutes les compositions sont signées du seul Julien Desprez : c’est lui le seul maitre à bord, ou presque. Ou presque parce que les deux autres sont tout de même crédités aux arrangements – on imagine très bien les discussions lors des répétitions – et surtout parce que Q est une sorte de power trio instrumental naviguant entre rock, jazz et pourquoi pas prog. Or qui dit power trio dit forcément une vraie section rythmique qui emballe sec et ne se contente pas de faire de la figuration ou d’assurer le service minimum.
Là où Q surprend, c’est quand le groupe ne se contente pas non plus d’être un groupe de free rock – quelque chose entre Massacre (le groupe de Fred Frith, Bill Laswell et Fred Maher) et Last Exit (Peter Brötzmann, Sonny Sharrock, encore Bill Laswell et Ronald Shannon Jackson) – mais propose, malgré une saine et légitime passion pour la fée électricité, une musique plus coulante, plus groove et à l’occasion plus atmosphérique. Attention : Q provoque bien des étincelles mais toujours sur un fond d’élasticité rythmique, une presque nonchalance qui tire les envies supersoniques du trio vers des territoires plus lysergiques et hallucinés – on peut affirmer que Q ne manque pas d’air (aujourd’hui c’est l’école du rire).
La guitare pourra bien déployer des trésors de frontalité, de dissonances et de larsens, il y aura toujours derrière cette rythmique sur coussins d’air – que l’on ne se méprenne pas, on ne parle absolument pas ici de mollesse –, comme un ascenseur caoutchouteux vers le firmament. Cette caractéristique on pourrait peut-être l’expliquer par le jeu du batteur mais surtout parce que la basse est une basse acoustique, un instrument qui précisément possède une rondeur souple et vibrante qu’une basse électrique, elle, ne saurait restituer. Alors, Q est-il un groupe psychédélique ? D’un certain côté oui, tout à fait, mais on parle de ce psychédélisme qui commence à s’étirer, à se dégourdir les papattes et à lorgner du côté du progressif sans pour autant tomber dans les affres et les pièges de la démonstration.
Car tout ici est question d’instincts et d’ambiances, des ambiances plutôt contrastées où le son de la guitare éclate perpétuellement, entre décharges électriques et typographie rêveuse. Plus on écoute cet album sans titre de Q et plus on en découvre… Ce qui permet à chaque fois de se focaliser sur tel passage plutôt que sur tel autre. On ne peut rien demander d’autre à un disque de musique instrumentale et en cela celui de Q se rapproche de l’idiome jazz : simplement nous emmener ailleurs sans nous perdre au passage, pour mieux nous ébouriffer et nous faire rêver. Mission accomplie.

Ce disque est publié par Rude awakening, un label dont le catalogue abrite bien d’autres belles et bonnes choses.