lundi 23 juillet 2012

ChooChooShoeShoot / Playland




Cet album me parle. Enormément. Et cet album m’obsède. Terriblement. Mais pas seulement parce que j’y reconnais avec bonheur quelques références incontournables à un son, à des musiques ou des groupes qui ont marqué voire changé ma perception de la musique il y a une bonne quinzaine – plutôt une vingtaine ! – d’années maintenant.
C’est très facile de les énumérer ces groupes (et puis tiens, allons-y gaiment : Rapeman/Shellac, Six Horse, Big’N, les Dazzling Killmen et j’en oublie certainement) mais par contre ce qui était beaucoup plus difficile c’est ce qu’a accompli CHOOCHOOSHOESHOOT avec Playland. Donc disons les choses honnêtement : si on a écouté Playland attiré par ce son sec et tendu et ces antécédents historiques, tentant sûrement d’y retrouver quelques émois d’antan, désormais on réécoute le disque jour après jour, inlassablement et passionnément,  pour ce qu’il est réellement et en toute simplicité – UNE BOMBE.
La nostalgie c’est mal, on est bien d’accord. Or ChooChooShoeShoot ne se contente pas de nous faire le mauvais coup trop connu et très convenu de la visite au musée – « alors là vous avez le pénis de Steve Albini admirablement conservé dans du formol, là vous pouvez découvrir la toute première bicyclette de Nick Sakes que ses parents lui avaient offerte pour ses cinq ans et un peu plus loin sur votre gauche voici un échantillon d’urine de David Yow » – mais le groupe présente les choses telles qu’elles s’étaient prétendument arrêtées il y a quelques années (je vous laisse déterminer exactement laquelle, personnellement je ne m’en souviens pas, je refuse de m’en souvenir et la plupart des spécialistes en la matière ne sont pas tous d’accord sur ce point précis, loin de là), oui avec Playland c’est comme si on y était encore et surtout avec Playland on sait que l’on va encore pouvoir y croire et y être demain et sûrement encore le jour d’après.
Et, précisément, le plus beau, le plus formidable et le plus époustouflant dans tout ça c’est le côté naturel et jubilatoire de la chose. Les quatre ChooChooShoeShooteurs (une voix, deux guitares et une batterie) n’ont pas fait semblant question haut niveau des compositions entre tiroirs cachés, déclivités abruptes, angles aigus, instabilité calculée, sophistication efficace et intrépidité formelle. Mais surtout ils ont encore moins fait semblant question interprétation avec un mélange de volontariste affamé et d’aisance apparente qui laisse tout simplement pantois. Ils ont pourtant du souffrir pour en arriver là, pour trouver toutes ces idées qui donnent le vertige, ces purs moment d’émotions et de frissons, pour mémoriser tout ça, pour polir cette musique jusqu’à ce qu’elle se mette à briller sous tous les angles. Ils ont du souffrir encore davantage pour donner ce côté sauvage, conquérant et impérieux à Playland : l’album est plutôt court (huit titres, une trentaine de minutes) mais il explose à chaque seconde, se défragmentant puis se recomposant en une succession de moments de bravoure jamais forcés et liés entre eux par une âpreté proche de l’obsessionnel.
Presque au dessus de la mêlée mais toujours happé par elle, le chant est définitivement l’élément passionné et passionnel de Playland : il s’impose tout en invectives mais aussi en belles nuances, réalisant la délicate équation entre ce qu’il faut donner à entendre et ce qu’il est préférable de laisser aller tout seul, entre despotisme sensitif et sincérité de l’immédiateté. On affirmera alors que Playland est tout simplement l’un des albums de cette année 2012. Un album aussi salutairement enragé que définitivement essentiel.

Playland a été enregistré de main de maître par Miguel Constantino dans son studio quelque part en Bretagne. La photo de l’artwork très réussi est signée Amelie Grosselin (guitariste et chanteuse de Fordamage). Enfin, Playland a été publié en vinyle par trois excellents labels dont en général on aime beaucoup vous parler ici : A Tant Rêver Du Roi, Kythibong et Rejuvenation.