jeudi 2 août 2012

Circle X / Heartbreaker b/w Look At The People




On vit malgré tout une époque formidable : alors que cette saloperie d’internet permet d’écouter et/ou de télécharger toutes les musiques ayant existé, semant ainsi la confusion totale sous couvert d’un savoir aussi facile qu’instantané et alors que blogs et autres webzines en rajoutent allègrement une couche dans l’omniscience conquérante, il y a encore des malades qui sortent des disques en vrai et en dur et d’autres, beaucoup plus inconscients encore, qui se lancent dans la réédition de vieux disques (presque) oubliés.
Les héros du jour s’appellent Poutre Apparente, label qui vient de rééditer le tout premier single jamais enregistré par CIRCLE X, en 1979. A cette lointaine époque Circle X était encore de l’autre côté de l’Atlantique, à New-York plus précisément et n’avait pas encore atterri de manière complètement surréaliste du côté de Dijon. On retrouve pourtant en face B de ce single la version studio de Look At The People (qui donc figure en live sur Dijon ’79), un titre complètement dans l’air du temps et de la Grosse Pomme, de la no wave pure et dure. Si on a pu écrire à propos des guitares dans Circle X qu’elles étaient complexes, le terme est de fait sûrement mal choisi : on voulait plutôt exprimer l’idée de difficulté en ce sens que se prendre du Circle X était et reste toujours une expérience voire un supplice. Mais un supplice que l’on accepte pleinement.
Ce 45 tours est ainsi la démonstration parfaite de l’amateurisme d’un groupe – guitariste débutant, batteur qui perd le rythme, chant tremblotant y compris dans le registre du cri, etc –, un groupe qui a des idées claires et se débrouille avec ses maigres moyens pour les concrétiser. Pour en revenir à internet et aux saloperies technologiques toutes prêtes à consommer, c’est l’envie et le besoin qui ont donné naissance, même imparfaitement, à cette musique, à l’encontre exacte des possibilités sans limites théoriques et donc complètement submergeantes de notre chère époque actuelle et parait-il si moderne. La musique ultra nihiliste et destructrice de Circle X avait tout pour elle puisqu’elle répondait à des pulsions et des idées alors nouvelles qui précisément ne prétendaient répondre à rien et surtout ne se voyaient pas comme un écho rassurant et/ou balisé. Détruire pouvait encore être considéré comme un acte créateur – aujourd’hui « créer » ce serait plutôt piller le passé mais rassurer pour séduire – et la meilleure preuve c’est la face A de ce single, une reprise aussi jouissivement lamentable qu’assassine du Heartbreaker des Rolling Stones. Que ces derniers fassent encore en 2012 la tournée des plus grands stades du monde est une autre démonstration que beaucoup d’entre nous sommes morts depuis fort longtemps.