jeudi 11 octobre 2012

Magda Mayas & Christine Abdelnour / Myriad




Magda Mayas est une pianiste basée à Berlin et travaillant énormément sur les textures en utilisant non conventionnellement son instrument, souvent préparé. On connait un peu mieux Christine Abdelnour – que le petit reporter de 666rpm a déjà vue et entendue deux fois en concert –, saxophoniste alto basée elle à Paris et ayant également une approche très texturelle de son instrument, privilégiant les vibrations aux notes, le rendu à la narration. Paru chez Unsounds (le label du guitariste/improvisateur Andy Moor de The Ex, du compositeur Yannis Kyriakides et de la photographe/graphiste Isabelle Vigier), Myriad est au moins le deuxième disque marquant la collaboration entre Magda Mayas et Christine Abdelnour – Teeming a précédemment été publié en 2010 sur le label suédois Olof Bright. Une collaboration qui sur le papier sonne comme une évidence et qui à l’écoute de Myriad s’impose encore plus.
Tintinnabulements, petites vibrations, frôlements, craquements, claquements, bruits de bouche, résonnances lointaines, échos distordus, notes tronquées : la palette des deux musiciennes est aussi vaste que multiple et convoque une poésie du son à base d’un doux bruitisme pointilliste et semblable à une variation infinie de couleurs changeantes et presque facétieuses. « Myriade » est un mot grec désignant littéralement le chiffre 10 000, c’est également un mot qui pourrait évoquer un ciel nocturne étoilé ou – mieux encore – les bruits de la nuit d’origine inconnue et que l’on écoute fasciné du fond de son lit. Des bruits auxquels on peut donner la signification que l’on veut – c’est pour cette raison que parfois la nuit peut faire autant peur – mais qui ici incitent à une rêverie éveillée parcourue de purs moments de grâce (comme, aux alentours de la quinzième minute de la première pièce Hybrid, ce foisonnement léger et coloré qui évoque des chants d’oiseaux).
Aussi ce n’est finalement pas le côté obscur de la nuit qu’évoque Myriad mais bien tout ce qui relève de la lumière, de la clarté, de l’air et de toutes ces matières impalpables mais mystérieusement tangibles qui participent aux rêves. Myriad n’est ainsi pas un cheminement – le disque ne raconte aucune histoire – mais une déambulation où chaque son est aussi important que chaque silence et où chaque élément est relié par un système invisible et dont seules les deux musiciennes possèdent la clef. En espérant qu’elles l’aient perdue depuis cet enregistrement car en matière de musique il n’y a rien de plus beau que les mystères insolubles (et on ne doute pas non plus qu’elles retrouveront un jour une autre façon de parvenir à de nouveaux territoires, rêvés ou non).