lundi 22 octobre 2012

Swans / The Seer




The Seer est déjà le deuxième album des SWANS post reformation. Mais que l’on ne se méprenne pas : les Swans c’est avant toute chose le groupe de Michael Gira accompagné d’une poignée de musiciens, un Michael Gira ayant composé l’écrasante majorité des titres de The Seer et produisant l’album de A à Z. Les autres ne font que lui obéir au doigt et à l’œil. On se rappelle ici d’un concert fin novembre/début décembre 2010 pendant lequel Gira dirigeait son petit monde avec toute la rigidité plénipotentiaire d’un dictateur éclairé et à la limite du ridicule, suscitant alors comme un vague mais légitime sentiment de rejet. Mais si ce spectacle décourageant avait pu être parfois gênant en concert, on ne retrouve pas tout à fait cet impact désagréable sur les  nouveaux enregistrements studio bien que l’on reste persuadé que si Michael Gira avait laissé un peu plus de latitude à ses musiciens The Seer aurait pu être nettement meilleur. On pense évidemment au guitariste Norman Westberg – membre historique des Swans et cofondateur du groupe – mais aussi à Phil Puleo, ex-batteur percussionniste des géniaux Cop Shoot Cop. Sur The Seer chacun est à sa place, une place assignée par Gira, mais en même temps tout le monde semble sous-exploité. Ce qui est valable pour Westberg et Puleo l’est aussi pour Christopher Pravdica (excellent bassiste), Thor Harris (pecussions en tous genres) et Christoph Hahn (lapsteel).
La direction artistique empruntée par The Seer est donc la suivante : longueur, longueur, longueur. The Seer est ainsi un triple album vinyle, un double CD et il culmine à plus de deux heures pour onze titres seulement. L’album est irrémédiablement difficile parce qu’indigeste. Il n’est alors pas interdit de l’écouter dans l’ordre que l’on souhaite ou par petits bouts – à noter que les tracklistings de la version CD et de la version LP diffèrent sensiblement, modifiant la perception que l’on peut avoir du disque. Quoi qu’il en soit The Seer reste et restera un disque difficile à s’approprier. Une masse grouillante et extrêmement dense d’où émergent les obsessions musicales habituelles de Gira. Seule l’affligeante (et pour une fois très courte) balade folk Song For A Warrior avec Karen Lee Orzolek des Yeah Yeah Yeahs invitée au chant fait complètement tâche au milieu d’un disque qui synthétise tout ou partie de l’histoire musicale des Swans.
On sent même que les Swans version 2012 ont mis un point d’honneur à en rajouter toujours tant et plus ; toujours plus de sauvagerie dark, toujours plus de grandiloquence, toujours plus de lourdeur, toujours plus de lyrisme, toujours plus de complaisance messianique. Les Swans restent donc les Swans et c’est la seule bonne et unique nouvelle d’un disque qui comblera les fans indéboulonnables du groupe et toujours persuadés que Michael Gira est un génie (et assurément il lui arrive d’en être un). Mais The Seer est un disque tellement obscurantiste (et non pas obscur) qu’il en devient laborieux. Parfois très beau, parfois très fort et souvent très émotionnellement violent mais aussi pénible à la longue et vraiment trop nombriliste. Le nombrilisme : le propre des dictateurs comme des génies…

The Seer est publié en version triple 12’ et double CD par Young God records. Une version CD limitée et autographiée par Michael Gira inclut un DVD de concerts filmés pendant la tournée 2010 du groupe – mais si on veut avoir un véritable souvenir de cette tournée on préférera et de loin l’excellent double CD live We Rose From Your Bed With The Sun In OurHead