jeudi 31 janvier 2013

Deborah Kant / Terminal Rail/Route




On ne saura pas – et d’ailleurs on s’en fout un peu – si DEBORAH KANT est un groupe victime de contingences matérielles quasiment inextricables, genre les joies de l’existence d’un petit groupe indé dans un monde moderne ultraviolent et sans pitié, ou si ces quatre jeunes aiment plutôt et savent prendre leur temps (sans doute un peu des deux). On se rappellera également que le premier album du groupe, autoproduit et sans titre, avait été publié en 2008 mais deux années après son enregistrement ; pour le deuxième, mystérieusement intitulé Terminal Rail/Route, les délais ont été presque aussi longs (l’enregistrement date de juin 2011) même si l’une des pièces maitresses du disque, le diptyque Acid Dermal / Carded Mail et dans lequel on reconnait le Mars Hell / Day Dee publié en 2009 sur CD et en compagnie de Ten Years Of Decay, date lui carrément de 2008.
La lenteur est donc le mode de fonctionnement de Deborah Kant, c’est ainsi. Et voilà un groupe qui se retrouve presque obligé de manipuler la rareté mais qui le fait à bon escient : qui a déjà vu les Deborah Kant en concert et les aura aimés ou qui aura écouté un de leurs (trop rares) disques et l’aura aimé également, les aimera pour toujours, le groupe comme le disque, y compris dans le plus petit repli de son inconscient mémoriel, territoire fortifié d’où Deborah Kant ressortira sans prévenir, exactement comme le groupe le fait avec Terminal Rail/Route, pour rétablir cette vérité affective mais indiscutable – Deborah Kant est un groupe précieux parce que singulier et unique et cela ne l’en rend que plus important à nos yeux et à nos petites oreilles grandes ouvertes.
Toutefois cette déclaration d’amour et à rallonge ne cachera pas quelques petits regrets au sujet de Terminal Rail/Route, des regrets concernant le son général de l’album qui aurait mérité plus d’ampleur, plus de luxuriance, que ça explose réellement lorsque les guitares partent en torchère. Deborah Kant est un groupe bruyant et à guitares (un groupe que certains réduisent ou ont réduit, moi y compris, à Sonic Youth et aux Deity Guns tout ça parce que Deborah Kant est originaire de Rive-de-Gier, pas très loin de Lyon – et très loin de New-York) mais Deborah Kant est surtout un groupe incroyablement généreux dans cette façon envoutante de sculpter son bruit et de le nervurer/hachurer de mélodies irrésistibles et tordues. Une telle façon de faire, une telle réussite dans la dualité entre le bruit et la beauté – une dualité que l’on rencontrait déjà sur le premier album mais qui ici atteint un niveau très supérieur – aurait donc mérité plus de débordements côté son...
... Mais on se résout à passer outre ce qu’il convient finalement d’appeler un détail parce que Terminal Rail/Route s'impose tout simplement comme un disque magnétique et captivant : l’organique et le carné sont ce qui prime chez Deborah Kant et c’est sans doute ce qui rend la musique du groupe si sensorielle (on se retient à peine de réemployer le terme sexy), d’autant plus que sur Terminal Rail/Route le psychédélisme prend plus de place que jamais, plaçant la musique du groupe au sein d’une équation furieuse/un maelstrom sensitif se débarrassant de toute contingence normative. Les portes sont toujours grandes ouvertes et la route est loin d’être finie.

Terminal Rail/Route est publié en vinyle uniquement par le groupe lui-même qui a été aidé par deux labels définitivement clairvoyants : Assos’Y’Song et Boom Boom Rikordz.


 

En outre, amateurs de musique du côté de Lyon et alentours, Deborah Kant sera en concert ce vendredi 1er février à Grrrnd Zero. Le groupe prépare également une tournée française en compagnie des excellents One Lick Less entre fin avril et début mai 2013 – comme il reste des dates à booker, les joies de l’existence de deux petits groupse indé dans un monde moderne consumériste et financier, on vous l’a déjà dit, je ne peux que vous enjoindre à contacter ces jeunes gens si jamais vous avez envie de les faire jouer dans votre petite bourgade provinciale : 1lickless[arobase]gmail[point]com et/ou deborahkant[arobase]gmail[point]com.

mercredi 30 janvier 2013

Report : Besoin Dead, Usé et Géranium à Grrrnd Zero - 26/01/2013




La petite frayeur du samedi soir : en arrivant devant les portes du hangar de Grrrnd Zero je trouve celles-ci bel et bien fermées et aucune trace tangible de vie aux alentours. Il me faudra un certain temps avant de découvrir que le concert du jour a finalement lieu dans un autre endroit, beaucoup plus petit, beaucoup plus cosy et surtout nettement moins réfrigéré. Un choix pertinent de la part des organisateurs qui en plus ne semblent pas s’attendre à un public trop nombreux.
Je me retrouve donc juste à côté, au Grrrnd Saloon, un endroit où je n’ai pas mis les pieds depuis des mois (années ?), confortablement avachi dans un vieux fauteuil tout défoncé et écoutant paresseusement une sélection de vieilleries balancées dans la sono – Iron Man de Black Sabbath, les Cramps, Gang Of Four – ou de trucs plus contestables (la chanson des nains de jardin sous acide qui avait servi de single au premier album de Battles, non je ne vais faire aucun effort pour tenter de m’en rappeler le titre). Puis lorsque retentit She’s In Parties de Bauhaus (en version maxi s’il vous plait, avec l’ajout final en forme de dub paraplégique toujours aussi efficace) je me dis que je suis vraiment bien là, assis à ne rien foutre et à attendre doucement que ça se passe.




Attendre quoi ? Et bien attendre que BESOIN DEAD pointe enfin le bout de son nez, puisque c’est ce groupe que je suis tout particulièrement venu voir, chauffé à blanc par une première cassette plus que prometteuse. Le matériel du groupe est déjà installé – en particulier cette batterie incomplète (il n’y a pas de charley et pas de toms mediums) mais sur laquelle une guitare a été montée… Je décide alors de faire semblant de ne pas me souvenir de tout ce que l’on m’a déjà raconté – en bien – sur Besoin Dead.
C’est devant un public encore restreint que le duo commence son concert et décline les titres de sa démo cassette. L’originalité du groupe ne fait pas que vous sauter aux yeux avec cette guitare/batterie martyrisée à grands coups de baguettes et à la force du poignet, elle apporte surtout un grand courant d’air frais à vos petites oreilles : le post punk tribal et kraut de Besoin Dead louvoie entre implosion et explosion, inventif et foudroyant, sauvage et irrésistible. Pour une fois le chant ne sert pas non plus à rien et ce chanteur/guitariste – Jessica 93 pour les intimes – développe également un jeu de guitare noise foisonnant et au psychédélisme massif
Seul reproche : la trop courte durée du concert, même pas une petite demi-heure, le groupe épuisant rapidement son fonds de compositions. Mais ce fut si intense que pour une toute première fois et bien je ne vais pas m’en plaindre. Mais, s’il vous plait jeunes gens, pensez donc un jour à nous mitonner de nouvelles compositions, à rallonger votre set, à enregistrer un vrai disque*, à repartir en tournée et revenir nous voir pour un nouveau concert aussi fracassant que celui-ci.




Lorsque je reprends mes esprits et regarde un peu autour de moi après le concert de Besoin Dead, je me rends compte que le saloon de Grrrnd Zero s’est considérablement rempli et que l’on risque dangereusement la surpopulation et les mouvements de foule incontrôlés qui vont avec. Plein de gens, de partout : c’est donc devant un parterre fourni en fans d’Headwar toujours au courant de tout qu’USÉ s’apprête à jouer.
Parce qu’Usé c’est l’un des projets en solo de Nico d’Headwar et que lui aussi développe une installation atypique avec une basse (ou une guitare avec des cordes en moins) et une guitare posées à plat, un ensemble à bidouilles (et deux rochers Suchard en cas de grosse fringale), une grosse caisse et une petite caisse claire. Techniquement et dans le principe on aurait pu s’attendre avec Usé à quelque chose d’assez proche de l’envoutement sauce Besoin Dead c'est-à-dire des guitares terroristes mais surtout luxuriantes et menées à la baguette psyché** or il n’en est rien : on reconnait plutôt chez Usé les assauts no wave et nihilistes d’Headwar, cette façon de lancer des torpilles tribales constellées de dissonances déchirantes.
Malheureusement on n’a pas vraiment non plus le temps de se demander si Usé ne fait qu’adapter en solo la folie d’Headwar ou si le one man band va aller dans d’autres directions (avec l’apport de plus de bidouilles) parce que Usé ne joue que trois titres, dont un aussi fulgurant qu’une décharge d’orgues de Stalline, et que son set dépasse à peine les dix minutes. C’est à la fois très drôle et très frustrant mais – finalement – c’est surtout et encore une fois très frustrant…




Dernier nom sur l’affiche, GÉRANIUM est un autre one man band, celui de Jonathan, batteur de Maman Brigitte (ex-Pan Pan Pan)***. Ici pas de batterie ou de percussions mais une techno ultra minimale et basée sur l’interaction entre les rythmes (oui, quand même). Le garçon manipule en direct et quasiment dans le noir des boites magiques qui clignotent doucement et rajoutent une allure assez irréelle à la musique de Géranium. Quoi ? Vous n’aimez pas l’electro en général et la techno minimale en particulier ? Et bien vous avez tort.

[pour regarder quelques photos du concert c’est par ici]

* un vrai disque mesure entre 15 et 30 cm et tourne à la vitesse de 45 ou de 33rpm mais aux dires de Pascal, batteur/guitariste de Besoin Dead et activiste sans répit de Et Mon Cul C’est Du Tofu ?, il ne faut pas s’attendre à un nouvel enregistrement de Besoin Dead avant la fin du printemps prochain…
** Nico Headwar est d’ailleurs la personne qui a assuré la prise de son de la démo de Besoin Dead
*** mais là j’ai soudain un doute énorme : le flyer indique bien Pan Pan Pan, le groupe aurait-il décidé de revenir en arrière et à son premier nom ?

mardi 29 janvier 2013

Headwar / 12 - 03 - 11 Miami




On pourrait croire qu’il s’agit d’une bonne grosse blague mais non : HEADWAR est bien parti en mars 2011 pour les Etats-Unis où le groupe a effectué une tournée triomphale d’un mois en compagnie des copains de John Makaye. La belle équipe. Ce LP, demi-frère de l’album Touche Pas L’Enfant (il y a des compositions en commun aux deux disques et cette fois-ci on a les titres), est ainsi le témoignage d’un concert donné à Miami ; six titres, même pas une demi-heure de musique et un public clairsemé que l’on entend ici ou là applaudir et crier tandis que Romain, tatoué en chef, guitariste, bassiste etc., lance parfois des annonces incompréhensibles entre les morceaux.
Première bonne nouvelle, le son de ce live est plutôt pas trop pourri, c'est-à-dire pas enregistré du fond des chiottes et qu’il donne à entendre assez distinctement la musique d’Headwar – on regrettera seulement que les guitares soient trop au second plan et que les voix vous sautent trop à la gueule lorsqu’elles apparaissent. Deuxième bonne nouvelle et sorte de suite logique de la première, le son du disque est quand même un peu limité (ou comment s’accommoder de ses propres contradictions d’auditeur) et dégage également quelque chose de joyeusement roots – le micro qui capte le concert se prend régulièrement des pains, on pourrait croire que c’est le vinyle qui saute mais non, tout ceci est 100 % naturel – un son qui, on le répète, ne rend pas par contre intégralement justice au bordel scénique et psychotique d’Headwar mais qui malgré tout peut donner un début d’idée de ce qu’est le groupe en concert.
Lequel avait visiblement l’air d’être bien chaud ce soir là à Miami, martyrisant à souhait sa noise tribale et dissonante, se roulant par terre la bave aux lèvres (j’imagine) et foutant tout en l’air en fin de set (j’imagine encore). Il ne manquerait que les images, celle par exemple où le batteur ferait le poirier sur sa grosse caisse renversée ou cette autre où l’un des guitaristes finirait collé au plafond par une armée de bras et de corps envahissants. On l’écoute donc avec plaisir ce live, on rigole lorsqu’à la fin une musique débile apparait, que les gens d’Headwar apostrophe le public (« hey ! say some bullshit ! » – il y en a qui répondent, confirmant d’un bel accent que ce live a bien été enregistré aux U.S.) et que tout semble se terminer par un invitation à aller boire une bière – quoi d’autre ?

12 - 03 - 11 Miami est publié en LP uniquement par Aredje, Attila Tralala, Et Mon Cul C’est Du Tofu ?, Label Brique et Pouet Schallplatten ; le disque est également intégralement et gratuitement téléchargeable sur internet mais ne soyez pas cons, donnez des sous à Headwar pour qu’ils repartent un jour en voyage.

lundi 28 janvier 2013

Lightning Bolt / Oblivion Hunter




Même sans tricher – c'est-à-dire sans lire les quelques notes de la pochette ni se renseigner au préalable sur ce disque – on n’a pas besoin de beaucoup de temps ni d’écoutes pour être persuadés qu’Oblivion Hunter est un disque au rabais de LIGHTNING BOLT. Un de plus, affirmeraient derechef les mauvaises langues. On n’ira pas jusque là mais il est vrai qu’il y a toujours eu un décalage flagrant entre les enregistrements du duo de Providence et ses prestations scéniques survoltées et déclenchant de soudaines séances de transes mongoloïdes chez des hordes de fanatiques ; si la terminologie pédante de « happy noise » a un jour été inventée par un crétin à mèche et à lunettes c’est vraiment pour coller à l’hystérie régressive et ultra colorée de Lightning Bolt.
Et donc voilà, on a écouté qu’Oblivion Hunter et pour la première fois dans toute la discographie du groupe on l’a trouvé vraiment mauvais. Le son du disque est merdique au possible, plus que d’habitude veut-on dire, et surtout les compositions ressemblent à un ersatz de Ligtning Bolt c'est-à-dire à tous les groupes de crétins qui aux alentours du début du nouveau millénaire (nous sommes en 2013) s’étaient mis à imiter le duo, élevant Lightning Bolt au statut de nouvelle créature mega hype. Quelle souffrance.
Il n’y a pourtant pas beaucoup de nouveautés sur Oblivion Hunter mise à part la basse de  Brian Gibson qui sonne encore plus comme de la guitare que d’ordinaire (??!!!) et qui surtout est jouée encore plus n’importe comment que d’habitude (Fly Fucker Fly par exemple, avec des solos parfaitement ridicules) ; Lightning Bolt est rappelons-le un duo basse/batterie et voix mais peut-être est-ce encore une fois le son dégueulasse de l’enregistrement qui fait ainsi naitre des mirages auditifs chez le chroniqueur mal intentionné et qui lui fait prendre cette turbo-basse de la mort qui tue pour une banale guitare de branleur qui a appris à jouer toutes les parties de Kill ‘Em All sur Guitar Hero (c’est même sûrement la seule explication). Des mirages auditifs peut être mais surtout des illusions définitivement perdues parce qu’Oblivion Hunter ne tient rien sur la longueur à force de rabâchage couplé à une incapacité chronique à rétablir l’habituelle équation shamanique et débile qui devrait pourtant ouvrir la porte à la transe noise de Ligtning Bolt. Ce disque est juste énervant.

Oblivion Hunter est plus un gros EP qu’un véritable album. Il a été publié comme tous ses prédécesseurs par Load records, uniquement en vinyle (une version noire et une version bleue). Même un déficient visuel s’apercevrait que la pochette est d’une rare laideur – Brian Chippendale, batteur et vociférateur du groupe, est l’auteur habituel des artworks du groupe mais, peut-être a-t-il eu un peu honte sur ce coup là, on ne trouve aucune indication sur l’auteur du truc en question – et les notes intérieures indiquent que Oblivion Hunter a été enregistré en août 2008 et finalement mixé en 2012 : les gars ce n’était vraiment pas la peine de ressortir ces vieilles bandes qui méritaient juste de continuer de pourrir dans votre cave.

dimanche 27 janvier 2013

Comme à la radio : Riot Season




Le label londonien RIOT SEASON a mis en ligne un nouveau sampler présentant un éventail représentatif de ses productions : on y retrouve non sans plaisir des titres de Hey Colossus, Todd, Shit And Shine, Ultraphallus featuring Eugene Robinson ou Dead Elephant.



Les habitués du label auront remarqué la présence de trois inédits annonçant les prochaines sorties de Riot Season : Fake Tan de Bad Guys dont le premier album sans titre est prévu pour début février ; It Didn’t Get Any Better de Art Of Burning Water et extrait de This Disgrace (sorti depuis début janvier 2013) ; Black Percy de Dethscalator qui figurera sur Racial Golf Course No Bitches, le premier album de ces anglais un rien foutraques. L’année commence bien.

samedi 26 janvier 2013

Year Of No Light - Thisquietarmy / split




Si on parle en tout dernier de ce disque partagé entre les bordelais de Year Of No Light et le canadien Eric Quach/Thisquietarmy, c’est tout simplement parce qu’il s’agit du meilleur des trois splits que Year Of No Light a publiés au cours de l’année 2012, et de très loin. Il s’agit même bien plus d’une véritable collaboration que d’un split à proprement parler : chaque groupe y va en effet de son titre inédit mais il y a également deux titres en commun. En tout, quatre compositions mises en boite entre Bordeaux et Montréal et entre 2011 et 2012, de quoi ravir les amateurs de post hardcore et de drone/ambient doom.
Première face. YEAR OF NO LIGHT dégaine en premier avec un Vous Etes Un Nada Mort Marchant Autour Du Visible épique et juteux en diable, à la limite de la crise de foi(e) mais comme seuls les Year Of No Light savent nous en faire accepter la grandiloquence et le maniérisme. Cette composition inédite est en tous les cas de fort bon présage en ce qui concerne l’album sur lequel Year Of No Light a travaillé depuis quelques mois et dont la parution est prévue pour 2013.
Suit Une Odeur Que Je Capte Quand Leurs Yeux Explosent, première collaboration entre Year Of No Light et Thisquietarmy : il faut bien être honnête et reconnaitre que sans lire les notes de la pochette on pourrait croire à un titre de Thisquietarmy tout seul tant cette plage ambient et vaporeusement grésillante colle parfaitement au style du canadien. Bon, les bordelais ont déjà donné dans l’ambient/drone – avec Dirk Serries/Fear Falls Burning notamment – aussi on n’accusera pas ces garçons de s’être faits phagocyter ou de s’être laissés aller à la facilité en laissant à Eric Quach toute la direction artistique du projet… n’empêche que bien malin sera celui qui pourra dire qui fait quoi sur ce Une Odeur Que Je Capte Quand Leurs Yeux Explosent (et tout ceci s’explique peut-être également par le fait qu’une partie seulement des membres de Year Of No Light a participé à cette collaboration).
Deuxième face. THISQUIETARMY démarre avec un Aphorismes qui nous entraine à nouveau dans les longues déambulations propres à ce one man band qui manie comme personne le metal lysergique et le shoegaze plombée – une association pourtant mise au point par d’autres canadiens, Nadja, mais dont ceux-ci ont semble-t-il oublié la recette depuis – et, qui plus est, ce très long Aphorismes est assurément l’une des plus belles compositions signées Thisquietarmy/Eric Quach, véritable orfèvre sonore et musicien clairvoyant.
Reste Langue De Feu, deuxième et dernière collaboration entre les deux groupes. Encore une plage ambient – avec une chouille de boite-à-rythmes au milieu – entre Eric Quach et deux membres seulement de Year Of No Light. Après le déluge hautement émotionnel d’Aphorismes, Langue De Feu se révèle finalement être la conclusion apaisante et réussie d’un disque à ne rater sous absolument aucun prétexte.

Cet split album est publié en vinyle (noir, transparent ou blanc) par Destructure records ; il existe une version CD assurée elle par Consouling Sounds.

vendredi 25 janvier 2013

Zs / Score




Comme son sous-titre The Complete Sextet Works : 2002 - 2007 l’indique, Score regroupe dans un joli petit coffret de quatre CDs et orné de tout plein de couleurs vives et peut-être trompeuses tous les premiers enregistrements de Zs. A cette époque là le groupe de Brooklyn était un collectif protéiforme comprenant pas moins de deux guitaristes (Matthew Hough et Charlie Looker, futur Extra Life), deux saxophonistes (Sam Hillmer et Alex Mincek – ce dernier a quitté le groupe après l’album Buck et le EP Karate Bump en 2006) et deux batteurs (Brad Wentworth et Alex Hoskins puis Ian Antonio)*. Ce sont donc trois albums et trois EP complètement remasterisés par le master chef Ben Greenberg que l’on peut retrouver ou découvrir sur Score, disques auxquels il faut rajouter quelques remix entre anecdotiques et infâmes, du live et des inédits, essentiellement rassemblés sur un quatrième CD aux allures de fourre-tout.
Surtout Score documente la génèse d’un groupe hors du commun bien que possédant des contours parfaitement définissables : on a souvent parlé à propos de Zs d’un groupe de musique de chambre électrique et contemporaine et si on rajoute à cela un peu de jazz nervuré et lyophilisé on obtient un assez bon descriptif d’un groupe et d’une musique volontairement aride, cérébrale et difficile. Même les sautes d’humeur/sursauts d’humour – par exemple la version live d’à peine deux minutes et a capella de Zs à la fin du deuxième disque – sont à prendre au énième degré, avec toutes les précautions d’usage, des pincettes stérilisées et toutes les clefs de compréhension nécessaires à une grosse poilade entre intellectuels qui ne sauraient s’amuser autrement avec les joies simples de l’électricité et les plaisirs de l’expérimentation « ludique ».
Comparé à ScoreNew Slaves, le dernier album en date de Zs (mais plus pour très longtemps), et l’excellent The Hard EP, publié lui en 2008 chez Three One G, font carrément figure de roquettes punk rock dévastatrices au milieu d’un chant de patchouli indien récuré à l’ammoniaque : ce coffret, dont l’écoute en continu peut s’avèrer – avouons-le – pratiquement impossible, est vraiment uniquement destinés aux furieux du bulbe et aux fans hardcore de Zs, du moins celles et ceux qui souhaiteraient réellement tout posséder de leur groupe fétiche**.
Mais Score comporte malgré toute sa dureté et toute sa difficulté des moments de prestidigitation malicieuse en ce sens que Zs donne réellement l’impression d’être complètement ailleurs mais pas n’importe où : encore une fois, on ne saurait nier au groupe sa personnalité retorse et surtout son originalité essentielle. De plus Zs a marqué les débuts du guitariste Charlie Looker en tant que chanteur ; il n’est pas le seul à chanter dans le groupe et il ne chante pas tout le temps non plus mais c’est avec Zs qu’il a commencé à (trans)former son identité vocale et à s’intéresser aux  différentes techniques de chant, notamment celles du Moyen-âge et de la Renaissance – c’est même pour chanter davantage que Charlie Looker a quitté Zs et a fondé Extra Life avec toute la réussite que l’on sait.

[Score est publié par Northern Spy records]

* aujourd’hui le groupe ne comporte plus que trois membres : le survivant et grand timonier Sam Hillmer (saxophone ténor), Patrick Higgins (guitare) et Greg Fox (batterie)
** et que les fans se rassurent, en 2013 Zs devrait publier deux disques : un Grain EP annoncé pour très bientôt et Xe, un nouvel album prévu lui pour la fin de l’année)

jeudi 24 janvier 2013

Peter Brötzmann / Solo + Trio Roma




PETER BRÖTZMANN a atteint l’âge canonique des 70 ans en mars 2011 ; et depuis plus de quarante-cinq ans le saxophoniste continue d’éclairer le free jazz européen et même mondial. Peter Brötzmann fait-il vraiment de l’ombre aux autres musiciens et empêche-t-il de nouveaux talents d’apparaitre ? Non, je ne le crois pas. Brötzmann a toujours partagé avec les autres, reprenant dans un cadre encore plus collectiviste les préceptes d’échanges participatifs et de jams issus du jazz – oui, il s’agissait bien, et il s’agit toujours, de militantisme (au sens politique du terme). Que Peter Brötzmann soit une sorte de monstre sacré et de gardien du temple n’est pas un mal mais un fait établi : ce géant représente tout simplement un genre musical qu’il a très largement contribué à développer en Europe à partir des années 60 ; sa personne est presque indissociable de la notion de free jazz, statut qu’il partage avec des gens comme Evan Parker, le regretté Peter Kowald, Sven-Åke Johansson, Han Bennink, Alexander von Schlippenbach, Misha Mengelberg, etc.
Avec le temps le free jazz est devenu une musique sérieuse et institutionnalisée, porteuse d’une tradition, de codes et de préceptes que Peter Brötzmann défend toujours aujourd’hui. Mais sa musique est restée toujours aussi sauvage – violente parfois – et le vieux sage mérite toujours ce surnom de Machine Gun (également le titre de son album le plus célèbre en 1968), un surnom que lui aurait donné Don Cherry. La preuve avec Solo + Trio Roma, un disque qui a été enregistré lors de la 27ème édition du Festival International de Musique Actuelle de Victoriaville (Québec) qui cette année là avait décidé de fêter dignement le 70ème anniversaire de Brötzmann. Le premier disque est un solo est il est littéralement époustouflant. Même si on peut penser qu’avec le temps Brötzmann a perdu de sa superbe et de son souffle primal, sa performance est ici inoubliable mais elle l’est d’autant plus que Brötzmann en solo explore toujours des territoires où les nuances prédominent plus que lorsqu’il joue accompagné. Derrière le colosse du saxophone, le poète des sons ; et l’hommage/reprise en fin de disque du Lonely Woman d’Ornette Coleman est bouleversant de sensibilité. De fois il fait vraiment bon vieillir.
Le deuxième disque a été enregistré en trio avec une section rythmique de choix : Massimo Pupillo (Zu) à la basse électrique et Paal Nilsson-Love (The Thing et tellement d’autres choses) à la batterie. Les deux hommes se connaissent bien puisqu’ils jouent également ensemble au sein d’Offonoff (avec Terrie Ex) et qu’ils constituent la section rythmique de Hairy Bones, quartet avec Peter Brötzmann et le trompettiste Toshinori Kondo.
Trio Roma représente le cahier des charges habituel de Brötzmann et la raison qui fait que l’on se déplace encore beaucoup pour l’entendre jouer : ça pulse, tout simplement. Nilsson-Love est un batteur aussi puissant qu’imaginatif (il joue régulièrement avec le saxophoniste) et Pupillo donne cette dose d’électricité dont Brötzmann a raffolé tout au long de sa carrière (avec Sonny Sharrock, son fils Caspar, au sein de Full Blast, etc.) ; même si le bassiste italien a un jeu limité par rapport aux deux autres musiciens – ça se comprend – il remplit parfaitement son rôle. Trio Roma est bien ce maelstrom attendu et espéré, bien que traversé par quelques passages calmes mais nécessaires pour ne pas mourir asphyxié. Mais que la réussite de ce disque brillamment foutraque n’empêche toutefois pas d’écouter le premier Solo car Peter Brötzmann le mérite, plus que jamais.

Solo + Trio Roma est publié sous la forme d’un double CD digipak par les disques Victo : comme d’habitude l’artwork a été réalisé par Brötzmann lui-même.

mercredi 23 janvier 2013

Emptyset / Collapsed EP




On avait laissé le duo EMPTYSET dans un piteux état, celui de sa propre vacuité étalée sur un Medium tout juste convaincant. Propulsé tandem de génies electro, Emptyset prétend endosser un à un les habits de la musique électronique radicale : un coup minimaliste (le premier album sans titre en 2009), un coup à la sauce Pan Sonic (le deuxième album Demiurge en 2011) mais sans jamais déclencher ici des torrents d’enthousiasmes.
Avec Emptyset on a surtout le sentiment d’un immense gâchis et d’une inutilité flagrante parce que James Ginzburg et Paul Purgas – les vrais noms des deux bonshommes derrière le groupe – se contentent paresseusement de réitérer tout en prenant bien soin de présenter la chose avec une élégance très conceptuelle ; dans l’absolu on s’en fout complètement qu’un duo composé de deux gugusses patron de studio d’enregistrement ou « artiste sonore » repompent ce qui a déjà été fait par d’autres il y a encore moins de dix ans (on rappellera que Pan Sonic s’est séparé seulement en 2009 et que le groupe finlandais avait publié son premier album dès 1995) mais ce que l’on a tendance à trouver insupportable c’est que les deux Emptyset soient couronnés grands architectes avec des prétentions telles que « le projet a pour but d’établir les correspondances entre l’analogique et le rythme, l’enregistrement spatial et la musique minimaliste », etc, et non, j’exagère à peine… Si la noblesse électronique ne s’astiquait pas autant le poireau sur le cas d’Emptyset on ne réagirait pas aussi vertement parce que, on  le répète, on s’en fout qu’Emptyset soit un groupe de copieurs : des copieurs il y en a toujours eu et il y en a encore de partout, dans tous les styles de musique et sûrement même depuis que le mot « musique » existe.
Reste que tous les disques du duo finissent par démontrer qu’une seule et unique chose : Emptyset n’a pas les moyens de ses ambitions boursouflées et n’arrive définitivement pas à la cheville de ses illustres prédécesseurs. Collapsed, EP de quatre titres publié en 12’ par le label Raster-Noton, ne nous en apprend pas davantage ; pourtant on annonce que ce disque est ce qu’Emptyset a enregistré de plus léché et il constituerait un hybride extrêmement bien équilibré entre le minimalisme technoïde du premier album et le bruitisme gentiment mesuré de Demiurge et Medium. Effectivement, à l’écoute, Collapsed est peut-être ce que le duo a enregistré de meilleur, en tous les cas de plus structuré et de plus correctement agencé. Mais cela ne suffit tout simplement pas parce que le résultat obtenu reste largement en deçà des aspirations prétentieuses du projet : ce n’est pas forcément si grave que ça d’être un groupe moyen et/ou tout juste honorable mais encore faut-il savoir ne pas la ramener au risque de passer au mieux pour ridicule et au pire pour exaspérant. Je suis exaspéré.

mardi 22 janvier 2013

The #NJE# - Dear Thief / Live At Indo




Ce split 7’ réunit The #NJE# et Dear Thief… qui ça ? Ah, oui pardon : The #NJE# est en fait la contraction de THE NEAR JAZZ EXPERIENCE, l’un des nombreux groupes de Terry Edwards, déjà éminent membre, comme chacun sait, de Gallon Drunk (mais aussi de Big Sexy Noise, des Bad Seeds de Nick Cave, de Faust etc.) et cachetonneur auprès de Tom Waits ou de PJ Harvey… un insatiable, donc. Au sein de The Near Jazz Expérience Terry Edwards est accompagné de Mark Bedford (ex Madness !!!??) à la basse électrique et de Simon Chaterton à la batterie, ce qui nous donne un groupe de vieux briscards.
Des vieux briscards, donc, et – comme l’indique le nom du groupe – des amoureux du jazz : ici Edwards ne joue que du saxophone et qui plus il aime jouer de deux saxophones en même temps, un peu comme Rahsaan Roland Kirk qui lui était du genre carrément gourmant. En tous les cas Knife Edge se laisse très bien écouter et The Near Jazz Expérience insuffle un groove agréable et vaguement funky à sa musique avec une basse qui mène clairement la danse. Pas sûr d’aimer cela sur toute la longueur d’un album mais sur un single – ou à découvrir en concert – Terry Edwards et The Near Jazz Expérience font l’effet d’une bonne turbine jazzzzyyyyyyyy.
Mais si on a voulu écouter ce split c’est avant tout pour le groupe qui occupe l’autre face, c'est-à-dire DEAR THIEF. Un trio dont le premier album Under Archway attend toujours un successeur digne de ce nom ; Caesar figure déjà sur Under Archway mais dans une version différente, moins rapide et moins nerveuse… ici la prise live permet de découvrir un groupe plus méchant et plus tendu qu’en studio, plus proche de l’ascétisme d’un Shellac par exemple. Ce demi-inédit de Dear Thief est donc à la fois décevant (on connaissait déjà Caesar) mais encourageant (ce groupe est définitivement à suivre). En espérant, encore une fois, avoir rapidement d’autres nouvelles – et des bonnes ! – de Dear Thief.
Knife Edge comme Caesar ont été enregistrés en concert, la prise de son est assez brute, lors de soirées mensuelles organisées par Sartorial records dans un pub londonien coincé du côté de Whitechapel Road, l’Indo. Sartorial Records c’est aussi le label de Terry Edwards qui donc s’est occupé de la publication de ce 7’ fort sympathique.

lundi 21 janvier 2013

Birds In Row / You, Me & The Violence




You, Me & The Violence est le premier – et tant attendu par certains – premier album de BIRDS IN ROW, publié à l’automne 2012 chez Deathwish Inc. Un nombre impressionnant de concerts au compteur, une réputation scénique qui n’est plus à faire, l’invasion conquérante des Etats-Unis – le pays de naissance du hardcore, faut-il encore le rappeler – comme haut fait d’armes spectaculaire et une paire d’enregistrements remarqués puis compilés sur un Collected publié en 2011 chez Throatruiner : Birds In Row a le vent en poupe mais n’est pourtant pas un groupe qui brûle les étapes ; et si les termes de « groupe méritant » peuvent paraitre particulièrement horripilants parce qu’ils appliquent les critères de sélection de meilleur employé du mois à un truc toujours étrange, la musique, qui précisément doit échapper à toute appréciation quantitative, il faut bien admettre qu’il y a tout de même un peu de mérite dans tout ça et que Birds In Row est un groupe qui a vraiment le feu, qui en veut et qui impose ce respect que l’on peut devoir à tout groupe ou tout musicien aussi dévoué et aussi impliqué à sortir ses tripes pour les mettre sur la table et en faire quelque chose.
Collected donnait déjà à entendre un hardcore sombre mais illuminé et qui surtout sentait la grosse (grosse) passion ; You, Me & The Violence se révèle lui être largement supérieur et confirme, même si on n’en doutait pas une seule seconde, que Birds In Row est un groupe qui se défonce, un groupe qui ne veut (ne peut) absolument pas faire semblant. Ce premier album est en outre extrêmement contrasté, délimitant un champ d’action plus vaste, fouillant dans plusieurs directions, avec des compositions bien tournées mais toujours dotées d’un naturel qui fait du bien et puis il y a ce chant qui se démarque des efficaces braillardises hardcore habituellement rencontrées en y insufflant une conviction toute personnelle, un chant qui renforce encore plus ce sentiment d’émotions intenses qui submergent et embarquent l’auditeur, émaillant You, Me & The Violence de vrais moments où l’exaltation rageuse se dispute la place d’honneur avec la profondeur du propos.
Enfin on découvre des compositions où Birds In Row dépose provisoirement les armes et lève le pied : Last Last Chance a limite des airs de vieux blues crépusculaire et contraste diablement avec le morceau titre placé juste après ; en fin de disque le groupe se fend même d’un Lovers Have Their Say de plus de douze minutes, un titre génial et poignant et qui n’en finit pas de déverser des flots d’intensité lente et réflexive. Une conclusion aussi incroyable que déterminante pour un disque dont on ne saurait désormais se passer.

You, Me & The Violence  est publié en CD digipak et en vinyle (jaune, transparent ou blanc marbré) avec pochette gatefold par Deathwish Inc. – l’objet est à la fois très beau et très soigné sans renifler la prétention et à l’intérieur de la pochette on trouve un grand poster sur lequel apparaissent plein de photos/portraits et cette mention  « we are Birds in Row » : on devine qu’il s’agit là de tous les amis et copains du groupe, celles et ceux sans qui Birds In Row ne serait sans doute pas tout à fait ce qu’il est devenu aujourd’hui (au milieu il y a un type avec des lunettes, de la moustache et des rouflaquettes ; malgré une ressemblance assez troublante et malgré tout le bien que je viens de raconter sur You, Me & The Violence, je tiens à préciser qu’il ne s’agit absolument pas de moi).



Information d’importance également, Birds In Row est actuellement en tournée européenne. La date lyonnaise est prévue pour le jeudi 31 janvier au Warm Audio de Décines avec Sport et les trop rares Geneva et c’est un concert organisé par Decibels For Us. Be there.

dimanche 20 janvier 2013

Comme à la télé : Nirvana et Tad (1989)




Voilà une vidéo qui a fait le tour du monde, que tout le monde ou presque connait déjà mais que l’on ne peut pas s’empêcher de reposter ici : une heure et quart de concert avec Nivarna NIRVANA et TAD enregistrés en 1989 lors de leur fameuse tournée européenne commune.



Voilà, rien à ajouter devant l’évidence de la chose et – même si des fois ça fait du mal de l’admettre – merci internet.

samedi 19 janvier 2013

Year Of No Light - Mars Red Sky / split




Chronologiquement ce disque est le troisième et dernier split publié par Year Of No Light en 2012 puisqu’il est sorti au début du mois de juillet. Et qui dit split dit deuxième groupe : celui-ci s’appelle Mars Red Sky, une autre formation bordelaise parfaitement inconnue des services de renseignements de 666rpm mais qui a pourtant publié un album en 2011 chez Emergence records – donc, contrairement au split Year Of No Light/Altar Of Plagues, le rôle de découverte d’un tel disque est ici parfaitement assuré.
Commençons par les garçons de MARS RED SKY ; si on ne connaissait pas ce groupe par ici c’est uniquement par pur aveuglement et pour cause d’intolérance galopante : Falls est un titre de stoner rock purement instrumental – alors que d’ordinaire il y a du chant dans Mars Red Sky – et à très fortes résonnances psychédéliques, genre que l’on n’apprécie guère voire même pas du tout. Plusieurs écoutes n’y feront rien, ce Falls ne passe pas et ne passera sans doute jamais la barrière infranchissable de l’esprit obtus du chroniqueur, ce qui ne signifie pas forcement que Mars Red Sky est un mauvais groupe, cela signifie plutôt qu’il donne envie d’écouter autre chose.
Autre chose ce peut être le Black Bath de YEAR OF NO LIGHT ; un titre inédit qui réserve une surprise de taille à l’auditeur puisqu’il comporte du chant. Non, il ne s’agit pas d’un vieux titre de Year Of No Light enregistré avec l’ancien line-up, lorsqu’il y avait encore un chanteur dans le groupe, mais d’une composition récente. Et en fait ils sont plusieurs à chanter sur Black Bath, des chœurs noyés sous beaucoup d’effets et qui ajoutés à une mélodie curieusement pastorale donnerait presque à ce titre des airs de musique celtique. Curieux, non ? Oui, curieux. Bon, renseignements pris, il semblerait que l’idée de ce split ait été d’inverser les rôles habituels de chacun : Mars Red Sky de proposer un titre sans chant et Year Of No Light d’en proposer un avec – plus on est de fous et plus on rit.
La face B de ce split est elle entièrement occupée par les douze minutes de Green Rune White Totem, un titre présenté comme une longue jam et qui n’épargne pas non plus à l’auditeur grincheux les affres d’une musique bloquée sur les 70’s – même lorsque les guitares ascendantes de Year Of No Light prennent un peu le dessus on reste à l’écart d’un trip que l’on ne saurait partager.

Ce split/disque collaboratif a été publié en vinyle uniquement par Headspin records : il y a 200 copies noires pour les losers comme moi et 200 copies marbrées noir et rouge pour les gens qui ont du goût.

vendredi 18 janvier 2013

Weasel Walter - Mary Halvorson - Peter Evans / Mechanical Malfunction




J’ai très longtemps fait partie des grincheux et des insatisfaits notoires qui se préparaient à regretter pour l’éternité l’abandon – définitif* ? – par le démoniaque WEASEL WALTER des voies de l’électricité explosive et du chaos final depuis la dissolution des irremplaçables Flying Luttenbachers. Mais aujourd’hui je dois bien avouer que continuer de pleurer sur la dépouille décomposée des Flying Luttenbachers est purement et simplement une perte de temps. Car le grand Weasel Walter, désormais entièrement dévoué à la cause de l’improvisation libre et de la freeture à toutes heures, a fait largement la preuve de tout son talent en la matière. D’autant plus qu’il sait très bien choisir ses partenaires : sur ce Mechanical Malfunction on retrouve, aux côtés du fantasque batteur, le géniale et brillant trompettiste PETER EVANS ainsi que la formidable et trop méconnue guitariste MARY HALVORSON.
Mechanical Malfunction n’est pourtant pas le premier enregistrement du trio – que l’on avait découvert en 2006 avec Mystery Meat chez ugEXPLODE, le propre label de Walter – mais il s’agit de très loin du meilleur, même si on pourra également conseiller son prédécesseur direct, le très jubilatoire Electric Fruit, publié lui chez Thirsty Ear. Peter Evans et Mary Halvorson jouent tout deux depuis quelques années avec Weasel Walter (la guitariste et le batteur ont aussi des enregistrements en duo, toujours et encore chez ugEXPLODE) et ce sont tous les deux des musiciens extrêmement fins et surtout très inventifs, capables d’une multitude de petits détails fourmillants comme de vrais coups d’éclat définitivement drolatiques voire impertinents.
Le jeu autrefois terriblement démesuré de Weasel Walter colle désormais parfaitement au langage et à la syntaxe des deux autres : le batteur développe toujours autant de puissance, il est toujours le roi intraitable et sans pitié du pilonnage intensif mais il joue sur un petit kit qui à l’image de la grosse caisse de petit diamètre attaque plus dans les médiums et dans les aigus. Résultat, ses frappes incessantes sonnent davantage comme des piqûres et des coups d’aiguillons que comme des explosions thermonucléaires. Walter utilise également des percussions annexes et des accessoires qui éclaircissent son jeu. On est donc très éloignés de cette époque bénie et fracassante, quand Weasel Walter avait pour unique devise « death metal is free jazz », enregistrait des disques bruyamment foutraques et donnait des concerts démentiels de violence mais on apprécie le côté extrêmement ludique et frais de Mechanical Malfunction, un disque qui (peut-être) pourra faire oublier aux détracteurs de l’improvisation libre et du free jazz le côté souvent trop cérébral de la chose (je l’admets).

[Mechanical Malfunction est publié en CD par Thirsty Ear]

* régulièrement des bruits de couloirs arrivent jusqu’aux oreilles des informateurs de 666rpm comme quoi les Flying Luttenbachers se reformeraient sous le meilleur line-up du groupe c'est-à-dire celui qui a enregistré l’album Cataclysm en 2006, donc Ed Rodriguez et Mick Barr aux guitares, Mike Green à la basse et Weasel Walter à la batterie… mais, honnêtement, je n’ose y croire : Weasel Walter a largement annoncé que les Flying Luttenbachers c’était bel et bien fini et voilà un homme qui change rarement d’avis

jeudi 17 janvier 2013

Lamps / Under The Water Under The Ground




Under The Water Under The Ground est le troisième album de LAMPS, un groupe de Los Angeles plutôt du genre tâcherons à lunettes, correctement efficaces et œuvrant dans le pur garage punk rock’n’roll de base. Des types qui ne s’en font pas trop et qui sortent leurs disques presque à la petite semaine*, comme une bonne giclette de punk dans ta face – et la mienne aussi – de boutonneux toujours en mal de décharges électriques et sans lendemain. Vas-y fais moi mal.
Seulement, avec Under The Water Under The Ground, Lamps passe radicalement à la vitesse supérieure et ne débande pas une seconde. Papy aura beau boucher avec ses petits doigts crochus et fatigués les oreilles de mamie et il aura beau également serrer les dents et les fesses de consternation et d’agacement, ce troisième album dépassera inévitablement, malgré toutes les précautions hygiénistes, la barre de l’anecdotique bruyant et le niveau honorable d’une petite séance de fuckerie électrique entre punkers abreuvés.
Parce que ce disque est vraiment sale, méchant presque, et déborde de cette sombritude des anti-héros qui feront toujours peur à ta pauvre mère** ; onze titres d’un garage punk raclant du côté du noise-rock mais aussi du post punk (beaucoup plus légèrement) et qui mériterait de déboucher – débaucher ? – toutes les raclures prétendantes au gai savoir électrique, y compris les plus mal disposés à sortir du schéma parfois un peu trop pépère et gentiment prévisible du garage d’inspiration sixties et/ou psychédélique.
Pourtant il n’y a pas de miracle à signaler, pas de progrès remarquables à l’horizon : Lamps ressemble toujours à Lamps mais ce qui fait la différence c’est ce son de détraqué mental qui illumine littéralement Under The Water Under The Ground ; dans le cas de ce disque – dont toutes les compositions se ressemblent pourtant et sont sorties du même moule – ce sur-boostage question enregistrement studio et production***, particulièrement efficace en ce qui concerne les lignes de basse, est le plus qui manquait sûrement à Lamps jusqu’à maintenant. Le trio n’a pas beaucoup d’idées à proposer mais chacune d’elles est superbement mise en avant et donc chaque idée semble être la bonne et suffit à notre bonheur. Se faire débourrer le poireau et c’est quand même bien plus agréable que de se faire prendre la tête, non ?

Under The Water Under The Ground inaugure en quelque sorte la longue série de disques que l’on aurait bien aimés découvrir un peu plus tôt et surtout faire figurer au palmarès d’une année 2012 musicalement déjà bien chargée ; un disque publié en vinyle (couleur vomi tarama/courgettes, merveilleux) et en CD pas beau par In The Red records.  

* trois albums en huit ans mais quand même une petite dizaine de singles ou de splits
** ta mère elle préférait d’ailleurs quand tu écoutais Iron Maiden parce qu’« au moins il y a de la mélodie chez ces anglais »
*** Chris Woodhouse est crédité à l’enregistrement et rappelons que le curriculum vitae du monsieur en question comprend la participation aux excellents Karate Party ou la prise en charge des enregistrements des inestimables A-Frames (les trois albums du groupe)