lundi 11 février 2013

Krallice / Years Past Matter




Years Past Matter est le quatrième album de KRALLICE en quelques cinq années et on peut déjà affirmer qu’il s’agit là du meilleur enregistrement de ce groupe basé à New York – meilleur enregistrement à égalité cependant avec le tout premier album sans titre de 2008*. Au fil des enregistrements le black metal sauce Krallice a toujours plus emprunté les voies de la sophistication et si au départ on pouvait encore y discerner quelques relents dégueulasses tendance qualité/savoir-faire/tradition scandinave, force est de constater que le metal extrème de Krallice ne ressemble à aucun autre de par son mélange de complexité, de fureur, de rigueur progressive, d’explosions dissonantes, de polyrythmies dévastatrices et d’inventivité. Et on en viendrait presque à oublier qu’il s’agit là réellement de metal ou, en tous les cas, le niveau d’ultra-violence hypersonique est en quelque sorte largement transcendé par une hyper-technicité et une complexité über alles qui frisent l’irréalité (double exploit en quelque sorte).
Ainsi Krallice a commencé à définir ses fondamentaux dès son premier album, fondamentaux que le groupe a largement améliorés et développés le temps de Dimensional Bleedthrough (2009) et Diatoma (2011), deux disques qui bien qu’excellents n’arrivaient toutefois pas à tout à fait replonger l’auditeur dans le même état cathartique que le premier album. Sur Years Past Matter Krallice est arrivé à faire une sorte de synthèse entre la noirceur et la rugosité des débuts et les délires progressifs d’ensuite, perfectionnant sans désormais l’alourdir une musique retrouvant tous ses galons d’incandescence instantanée. Years Past Matter est un disque relativement plus court que ses deux prédécesseurs – une heure seulement de bouillonnement maléfique – et seul le sixième et dernier titre avec ses presque dix-sept minutes, quasiment instrumental qui plus est, rappellera que Krallice excelle également dans le registre jusqu’au-boutiste du délire épique voire grandiloquent. On peut d’ailleurs déterminer une certaine dichotomie sur Years Past Matter entre les quatre premiers titres du disque, tendance machines sans pitié, et les deux derniers, symphoniques et délirants.
On dira peut-être que j’exagère, que tous les albums de Krallice se ressemblent et que Years Past Matter n’est que la quatrième incarnation d’une vision musicale unique mais, donc, répétitive. Ce point de vue peut aussi se défendre… la seule possibilité d’évolution pour Krallice n’est pas de changer – ne serait-ce qu’un tout petit peu – sa ligne de conduite mais de creuser toujours et encore le même sillon, d’aller toujours plus loin en évitant tout sentiment de surenchère inutile (défaut trop courant chez les groupes de metal) tout en repoussant les extrêmes de la complexité/inextricabilité de sa musique (exercice périlleux, donc). Pourtant on affirmera une nouvelle et dernière fois que Years Past Matter est le meilleur disque de Krallice et que donc, pour l’instant, le pari du groupe est largement réussi. Et on se fout bien de tout le reste.

Years Past Matter est publié en CD uniquement et en complète autoproduction par le groupe lui-même et lui seul ; le digipak n’indique rien si ce n’est le nom du groupe et le nom du disque (les différents morceaux n’ont, précisons-le, pas vraiment de titres) et surtout pas le nom d’un éventuel label : pourquoi Profound Lore, qui a publié les trois premiers albums de Krallice, n’a-t-il pas également publié celui-ci ? Mystère… Mais une chose est sûre, c’est que Profound Lore a vraiment raté quelque chose d’exceptionnel sur ce coup là.
Le seul moyen de se procurer Years Past Matter reste donc de passer par la page bandcamp du groupe** et de vous armer de patience : personnellement j’ai du attendre près de deux mois et envoyer quatre mails au bassiste Nick McMaster, qui s’occupe du département export et ventes internationales de Krallice, avant de recevoir enfin mon exemplaire chéri (ce qui n’empêche pas Nick d’être un garçon extrêmement poli).

* une chronique qu’avec le recul on peut juger un peu trop légère
** quoique… les plus avisé(e)s d’entre vous auront bien sûr repéré qu’une version double album est désormais prévue chez Gilead Media pour le mois de février 2013 (c'est-à-dire maintenant !)