mardi 5 février 2013

Scorpion Violente / The Rapist




SCORPION VIOLENTE [prononcez violenté] est un autre de ces groupes de l’est, ceux là même qui prétendent passer leur temps et dépenser tout l’argent de leur RSA ou de leurs allocations chômage en enfilant des cadavres d’enfants torturés ou de femmes violées et noyés dans la rivière d’à côté puis congelés dans le grand frigo de mère grand : Scorpion Violente est membre de La Grande Triple Alliance Internationale de l’Est, comme l’atteste la présence, au dos de la pochette de The Rapist, d’une croix de Lorraine à trois branches.
The Rapist est le deuxième album de Scorpion Violente après un Uberschleiss publié fin 2010 chez Avant! records et qui avait convaincu à moitié seulement, c’est qu’on est, il est vrai, un peu difficile en ce qui concerne les objets sonores puisant leur inspiration dans les années 80 et surtout dans ce que cette période musicale là avait de plus glauque et de plus sombre – parce que les 80’s ça pouvait aussi être, rappelons-le, Kajagoogoo, Duran Duran, Thompson Twins ou Propaganda, c'est-à-dire un catalogue sans fin de bouses en plastique bariolé et dopées à la coke et à la niaiserie fluorescente. Mais ici il n’en est rien : on pensera définitivement à des trucs comme Throbbing Gristle période 20 Jazz Funk Greats, Esplendor Geometrico ou à un groupe qui a fait parler de lui bien avant, dès les années 70, c'est-à-dire le Suicide d’Alan Vega et de Martin Rev.
L’analogie avec Suicide est certes assez facile puisque Scorpion Violente est également un duo synthés/boites-à-ryhtmes/voix mais à la différence des new-yorkais, Scorpion Violente ne s’occupe pas de pervertir le rock’n’roll de papa/maman et de transformer le doo-wap ancestral en brumisateur à azote liquide mais plutôt de noyer sa cold wave synthétique et robotique sous quelques couches – bien plombées – d’un épais brouillard industriel qui ralentit chaque geste, chaque intention, chaque pensée et les transforme en cauchemar ambulant. Et encore, lorsque on parle d’« industriel », le terme est assez mal choisi (ou maladroit) parce que Scorpion Violente évoque plutôt l’engourdissement par le froid et/ou des substances vénéneuses que le fracas des machines et les perturbations de l’électricité (les entrelacs acidifiés de The Rapist, incroyable pièce maitresse du disque occupant presque toute la deuxième face du disque avec ses quelques douze minutes).
Scorpion Violente a strictement rien à voir avec un groupe de joyeux olibrius qui, faute d’idées, se retrouveraient réduits à se laisser pousser la moustache pour arriver à jouer une musique froide et mal intentionnée ; on dira même que The Rapist est un disque paradoxalement incarné, c'est-à-dire que ce l’on y entend nous importe – et nous emporte – à la fois pour le meilleur, quelque chose que l’on pourrait désigner par le terme de mélancolie, et pour le pire, quelque chose que l’on pourrait également désigner par le terme de mélancolie. Les disques qui nous confortent dans nos ambivalences et nos contradictions sont souvent les meilleurs.

[The Rapist est publié en vinyle uniquement par Teenage Menopause]