mercredi 24 avril 2013

Report : Carne, Witch Mountain et Cough à Grrrnd Zero - 21/04/2013




Voilà. Il me semble bien que c’est la toute dernière fois que je vais assister à un concert à Grrrnd Zero. Nous sommes le dimanche 21 avril et la date limite de péremption du 40 rue Pré-Gaudry, fixée au 30 avril, se rapproche dangereusement. Après c’est l’exil vers l’inconnu, le déplacement forcé vers nulle part et un grand trou. Le grand trou du chantier qui bientôt occupera l’espace des hangars et des bâtiments de Grrrnd Zero ; et puis le trou créé par l’absence – momentanée on l’espère – du collectif dans le paysage local des musiques et cultures alternatives, tordues et déviantes.
Bien sûr beaucoup iront samedi prochain faire la fête et célébrer dignement la mort annoncée de Grrrnd Zero, du moins le Grrrnd Zero dans sa forme actuelle. Mais après ? Après ce sera à nouveau et pour un temps plus ou moins long les concerts qu’on ne peut plus organiser faute de salle libre ou au mieux les concerts hors les murs et ceux montés à l’arrache dans des caves ou des lieux inadaptés. L’équation [un concert = un toit + de l’électricité + de l’eau et des chiottes] semble de plus en plus difficile à résoudre.




J’espère par contre que ce ne sera pas la dernière fois que j’assisterai à un concert de CARNE. Les deux lyonnais ont l’air d’être en forme, détendus et sûrs d’eux et ils s’apprêtent à délivrer un bon set, bien brûlant. Ils ont aussi enregistré au début du mois de janvier quelques titres sous la houlette d’un épicier local bien connu, spécialiste en métallurgie appliquée et en gras-double – j’attends le résultat de ces sessions avec impatience.
Passé le rituel quasi obligé de la corde cassée, Carne fait défiler son répertoire sans défaillir et sans hésiter. Bonne énergie. Jouer quasiment systématiquement en mid-tempo est la caractéristique du groupe mais pas la seule : Carne c’est un peu comme si la température ambiante était déjà à son maximum dès le départ, ça doit obligatoirement bouillonner tout de suite, le gras surnage à la surface et laisse échapper une odeur pestilentielle, la chaleur nous ronge et l’atmosphère tourne au rouge sang.
Il est évident que le duo a encore gagné en maîtrise, en aplomb et en intensité ; Carne a également éliminé (au moins pour cette fois) les compos purement instrumentales et – surprise ! – Marion, ex bassiste d’Overmars, vient les rejoindre au chant sur un titre : cela fait toujours plaisir de revoir cette boule de nerfs même si, malheureusement, la sono ne lui a pas totalement rendu justice.  Le concert de Carne peut alors se terminer comme il avait commencé, c'est-à-dire dans un déluge de saturation déchirante et de lourdeur asphyxiante.




Le groupe suivant constitue une surprise : jusqu’ici je n’avais encore jamais entendu le nom de WITCH MOUNTAIN et j’aurais préféré ne jamais l’entendre, pas plus que la musique du groupe. Lorsque la fille au chant se présente avec ses petits camarades, elle prend la peine de préciser qu’ils viennent de Portland, dans l’Oregon. Mais Witch Mountain pourrait être originaire de n’importe où que cela n’y changerait pas grand-chose, tant le groupe semble débarquer d’une lointaine époque, en gros les années 70, et pratique un doom traditionaliste, ultra kitsch et dégueulant de dorures qui ferait même gigoter la momie de Ronnie James Dio dans sa tombe.
Ouais, voilà, le son de guitare passe mal – virez-moi ces effets abominables –, la basse est jouée aux doigts tout bien comme il faut et le chant féminin est insupportablement aigu, mélodique et précieux (avec de très rares passages en growl de temps en temps). Il n’y a que le batteur qui m’amuse parfois un peu, même si son jeu à la fois très flexible et puissant est ultra typé 70’s lui aussi ; il a une bonne tête de nerd, il porte des gants comme si jouer de la batterie était un sport et il lève très haut les bras en faisant des grimaces dignes de Mike Myers.
Witch Mountain effectue en ce moment toute une tournée européenne en compagnie de Cough (les deux groupes reviennent même du Roadburn) et voilà une bien drôle d’association, on imagine un truc peut-être arrangé par les labels américains des deux groupes – Profound Lore pour Witch Mountain et Relapse pour Cough – comme cela se fait souvent. Si vous voulez piquer une bonne crise de rire, allez voir Witch Mountain en concert mais attention, prévoyez également un budget bar parce que, malgré tout, le temps finira forcément par paraître un peu long.




Allez voir un groupe que l'on ne connait que de réputation (et donc s’y fier aveuglément) n’est pas toujours une très bonne idée mais dans le cas de COUGH cela a parfaitement fonctionné. Pourtant voilà typiquement le genre de groupe dont les disques m’emmerdent au plus haut point mais qui en concert arrive malgré tout à tirer son épingle du jeu. Des combos comme Cough, qui courent derrière EyeHateGod par exemple, la scène américaine métalleuse en est remplie, pour le meilleur comme pour le pire.
Alors qu’est ce qui différencie un Cough d’un autre groupe consanguin et atavique ? Honnêtement c’est difficile à dire mais, par contre, en plus de faire preuve d’aucune originalité, on peut affirmer sans se tromper que Cough brille également par son absence de finesse et d’inventivité. Toujours les mêmes riffs, toujours les mêmes rythmes, toujours les mêmes beuglantes. Ce qui sauve le groupe – et donc le concert – c’est la violence d’exécution dont Cough fait preuve et l’immodestie flagrante du groupe lorsqu’il joue. Une attitude typique de tough guys, à priori détestable, mais qui colle avec le reste.
J’ai donc passé un bon moment à me faire ramoner les oreilles, à secouer la tête comme un singe débile croyant découvrir la vie et à faire des allers-et-retours entre le devant de la scène, le bar puis les chiottes pour aller pisser mes bières. Un bon moment mais bientôt il sera déjà oublié. Pour l’instant l’effet obtenu ressemble juste à une bonne gueule de bois triomphante.

[les photos de ce concert d’esthètes c’est par ici]