mercredi 29 mai 2013

David Grubbs / The Plain Where The Palace Stood




Un album de DAVID GRUBBS se reconnaitrait entre mille et The Plain Where The Palace Stood n’échappe pas à la règle. On parle bien sûr des albums « pop » (ahem) et « chantés » de David Grubbs – si on excepte tous les enregistrements plus expérimentaux du monsieur The Plain Where The Palace Stood est déjà son sixième album depuis 1998 et la fin des regrettés Gastr Del Sol. Pourtant il se dégage de celui-ci un parfum un peu différent, une sorte de langueur un rien tristounette et qui tend vers une sorte de mélancolie fatiguée et encore plus solitaire qu’auparavant.
En cela il ne faut pas se fier au premier titre instrumental et éponyme rehaussé par le violon dissonant de Spencer C. Yeah (Burning Star Core), une introduction faussement annonciatrice de bouleversements qui n’arriveront pas… David Grubbs n’a fort heureusement jamais été un bout-en-train mais sa douceur sans fard prend ici une saveur presque flétrie, la tonalité générale du disque est finalement bien plus grave et même la voix de David Grubbs semble avoir changé, gardant toujours cette fausse fragilité à fleur de peau mais basculant dans l’ombre, en rajoutant dans l’insondable. Comme si David Grubbs jouait au fantôme avec lui-même, redessinant sans trop savoir qu’en faire sa silhouette projetée sur le sol par un soleil d’automne.
The Plain Where The Palace Stood est ainsi un disque assez ambigu, avec des fausses pistes placées ça et là, comme cet autre titre instrumental et jouant davantage sur le côté expérimental de la musique de Grubbs et intitulé Super-Adequate puis cet autre, Second Salutation, plus rythmé et avec de faux airs à la Gastr Del Sol. Un disque se teintant à l’occasion de vieux blues du delta : View Of The Mesa, un peu à la façon d’un Loren Mazzacane Connors et toujours instrumental, révèle comme une incapacité à chanter et donc à se confier ; quant à Abracadabrant, il prendrait presque le même chemin s’il ne finissait par embrasser ce même genre de fin que David Grubbs affectionnait déjà à l’époque de Gastr Del Sol – oui, encore –, une fin ouverte en forme de queue de comète, volontairement énigmatique voire secrète.
Avec The Plain Where The Palace Stood David Grubbs est en quelque sorte au sommet de son art, renouant plus que jamais avec la beauté instrumentale (Third Salutation) tout en délivrant de déchirantes et chancelantes confessions (Fugitive Colors). C’est en s’appuyant avec certitude sur ses obsessions musicales – on aura compris que, plus que tout autre album solo de David Grubbs, The Plain Where The Palace Stood doit beaucoup à Gastr Del Sol – que ce poète de la musique arrive par ailleurs à trouver les émotions justes. Magique.




The Plain Where The Palace Stood  est publié en vinyle et CD par Drag City. Cette chronique est également à lire dans le #16 de Noise mag – en kiosque, chez toi par abonnement ou à la bibliothèque de ton village.




David Grubbs sera également en concert à Lyon (au Sonic) le samedi 10 juin et en version trio – ici on garde toujours un souvenir ému de son précédent passage au même endroit il y a deux ans (et en solo) ; à noter que ce sont les excellents Kaumwald qui assureront la première partie.