jeudi 2 mai 2013

Report : Papier Tigre et Ted Milton & Sam Britton au Sonic (25/04/2013)




Deux concerts de suite la même semaine au Sonic, voilà une éternité que cela ne m’était pas arrivé. Tant mieux… Pour être tout à fait franc, je n’avais au départ absolument pas l’intention d’y retourner aussi rapidement et surtout pas pour assister à un concert du duo Ted Milton/Sam Britton. Mais lorsque à la dernière minute il a été question que Papier Tigre, alors en pleine vadrouille entre Dijon et l’Espagne, se rajoute au programme, mon cœur d’artichaut n’a fait qu’un bon. C’est peut dire qu’ici on est fan de ce groupe de voltigeurs invétérés.
Apparemment je ne suis pas le seul à avoir eu cette réaction : nombre de personnes dans le public se sont déplacées uniquement pour les nantais, lesquels ont d’une certaine façon sauvé le concert en rameutant un peu plus de monde. C’est dur pour Ted Milton mais selon toutes vraisemblances son seul nom n’aurait pas suffi à attirer les foules, à peine une poignée de vieux fans de Blurt, des fans qui ne l’ont pas encore oublié. Il faut dire aussi que son projet Odes en compagnie de l’électronicien Sam Britton n’a pour l’instant pas encore fait grand bruit, à condition bien sûr qu’il en fasse un jour. Ce qui n’est pas sûr du tout, malheureusement.




Ils sont donc bel et bien là les PAPIER TIGRE : ils sont jeunes et ils sont magnifiques même s’ils sont tous les trois en short. Encore des idéologues sportifs ? Des exhibitionnistes amateurs de performances et d’onanisme musical ? Non : plutôt des jeunes gens tendance lutins électriques et facétieux, certes des garçons qui se donnent à fond et qui pour cela préfèrent se mettre à l’aise (de la même façon qu’il n’y a rien de mieux, pour écrire sur un ordinateur capricieux un report ou une chronique de disque que personne ne lira, que de porter un vieux pantalon de survet informe et fatigué – tu imagines un peu le tableau ? non ? OK : rajoute une ou deux canettes de bière et tu auras enfin l’image complète).
Donc le plus important c’est la musique, pas l’attitude. Et, à dire vrai, on s’en fout complètement des physiques d’athlètes, de la prestance ultrabright, de la pilosité défrichée ou du glamour bogoss en ce qui concerne les trois Papier Tigre. Lesquels se contentent, si on peut dire, d’une humilité – paradoxalement – conquérante et ultra enthousiaste en guise de carburant supersonique. Je pourrais éventuellement vous raconter aussi que ces garçons sont des extra-terrestres mais non : pour avoir (à peine) discuté avec eux après le concert je peux vous assurer qu’au contraire ils sont tout ce qu’il y a de plus humains et amicaux. Mais quel est donc leur secret ?




Ils n’en ont pas : incontestablement, Papier Tigre est l’un des meilleurs groupes actuels dans la catégorie pop noisy, savamment et intelligemment décalée. Et c’est tout. On répondra également aux quelques détracteurs du trio – forcément des gens sans aucun goût – et qui lui reprochent son côté trop cérébral et trop habile que Papier Tigre est un formidable groupe de scène. Un groupe dont l’une des principales qualités est de transformer des compositions souvent imparables (mais toujours hérissées de pointes, d’aspérités et autres pièges à frissons) en système de télé-transportation moléculaire à effet immédiat : l’euphorie étrange de Papier Tigre ne faiblit jamais, la force passionnelle qui anime les trois musiciens n’appartient qu’à eux mais ils savent également très bien la faire partager, aussi généreusement que frénétiquement.
Je reste toujours admiratif face à une telle exaltation qui ne me parait jamais feinte ni artificielle. Pourtant cela fait des années que les Papier Tigre donnent des concerts et tournent sans relâche alors on pourrait imaginer qu’il leur arrive parfois de se lasser… Bien au contraire : le groupe est déjà parti à l’autre bout de la Terre, a du connaitre des expériences musicales et humaines dont je suis incapable de soupçonner l’existence et, là, devant une poignée de pauvres petits lyonnais surexcités, ils jouent ensemble, comme si de rien n’était, avec une sorte de dévouement conquérant qui donne une merveilleuse idée ce que peuvent signifier les mots « naturel » et « bonheur » associés ensemble. Allez, maintenant, tout le monde en short.




Malheureusement il n’en sera pas ainsi pour le duo TED MILTON / SAM BRITTON. Il est vrai que lorsque les trois quarts du public se barrent après le groupe de première partie, cela n’aide pas non plus. Surtout lorsque parmi les quelques survivants, une moitié abandonne à son tour en cours de route… Les deux musiciens présentent donc Odes, un vieux projet de Milton (des années 2006/2007) réactivé pour l’occasion. A l’époque un disque avait été publié, un CD accompagné d’un vinyle 7’, un disque ultra limité et vendu uniquement lors d’une tournée. Sur Odes Ted Milton jouait accompagnés de différents musiciens, l’improvisateur Steve Beresford par exemple ou encore le musicien allemand Andreas Gerth et, pour un seul titre, par Sam Britton.
Le principe du duo est plutôt simple : Ted Milton chante des textes (pas forcément de lui), joue du saxophone alto alors que Britton s’occupe de tout le reste derrière son laptop. La classe de Ted Milton – toujours en costard clair à larges épaules – et ses allures de vieux dandy punk destroy n’y feront rien et la prestation du duo souffre de beaucoup trop de défauts : rien qu’en ce qui concerne Ted Milton, le son de son alto est noyé sous une tonne d’effets qui trop souvent le rendent abominable ; ensuite les textures, sonorités et rythmiques torchées par Sam Britton sont toutes plus atroces les unes que les autres. Comme si le musicien venait de découvrir que l’on peut s’amuser à faire de la musique avec un ordinateur mais que le résultat ne faisait vraiment rire que lui.
On souffre donc à ce concert de Ted Milton. On souffre d’autant plus que l’on a adoré Blurt et qu’ici le chanteur/saxophoniste anglais devient pathétique, perdu dans un projet qui ne lui convient guère et qui donc ne convainc pas. Alors on oublie tout de suite et on réécoutera un de ces jours les vieux disques de Blurt, histoire de se rappeler des concerts parfois magiques qu’a donnés ce groupe assez fabuleux à Lyon depuis 25 ans (avant, je n’y étais pas).

[quelques photos du concert ici]