jeudi 30 mai 2013

Vuyvr / Eiskalt




VUYVR : ce groupe suisse est une surprise. Mais une vraie bonne surprise. Et, tout d’abord, laissez-moi faire un peu les présentations : dans Vuyvr on retrouve Michael Schnidl (Impure Whilemina) à la guitare et au chant, Diogo Almeida (Rorcal) à la guitare également, Julien Diels (Elizabeth) à la basse et Roderic Mounir (ex Knut) à la batterie. Un tout jeune groupe formé d’anciens et de vétérans puisque Vuyvr est un beau bébé âgé d’à peine plus d’un an. Et que le groupe ait composé, enregistré et publié un véritable premier album en si peu de temps confirme que ces gars là non seulement savent ce qu’ils veulent mais qu’en plus ils ne sont pas n’importe qui. Démonstration.
Le nom du groupe fait référence à la Vouivre – Vuyvren pour les intimes –, une sorte de monstre ailé, comme un gros serpent mais avec des ailes. C’est une Vouivre que St Georges terrasse au nom du Christ, c’est également un emblème que l’on retrouve souvent en héraldique et une source de légendes extrêmement variées du côté de la Franche-Comté, de l’ancienne Austrasie, du Haut-Jura et donc de la Suisse (évidemment). Un monstre qui porte un trésor sur son front, appelé Escarboucle ou œil unique et qui est en fait une énorme pierre précieuse que la Vouivre abandonne au bord de l’eau lorsqu’elle se baigne. Seuls les plus audacieux ont essayé de voler l’Escarboucle, sans jamais y parvenir.
Ces vieilles histoires ne vous intéressent pas ? Moi si, alors tant pis pour vous. Et revenons à Vuyvr et à son premier album. La légende colle on ne peut mieux au groupe et à sa musique : Vuyvr lorgne en effet du côté du black metal et ces récits un peu opaques, lointains et chargés en superstition en sont l’écrin parfait. J’imagine qu’il s’agit juste d’une excellente idée de « mise en scène » de la part du groupe mais celle-ci reflète la volonté de noirceur et de violence de la musique. Laquelle est plutôt à dégotter du côté primitif du black metal (après tout, Hellhammer, futur Celtic Frost, est également un groupe d’origine suisse) c'est-à-dire que Vuyvr ne s’embarrasse fort heureusement jamais de délires épiques ou je ne sais quoi.
D’un autre point de vue on peut aussi affirmer que Vuyvr joue son noir métal à la sauce hardcore, comme des punks métallurgistes. La rapidité d’exécution est réellement impressionnante, le batteur n’est vraiment pas un manchot, ça on le savait déjà (à la différence de la Vouivre qui contrairement à n’importe quel dragon de base n’a pas de pattes avant) et il insuffle ici une énergie primitive et animale. Mais lorsque Vuyvr ralentit la cadence – comme sur le passage lent au milieu d’Idolatry –, les racines hardcore et surtout post hardcore des quatre musiciens réapparaissent, et ce pour notre plus grand plaisir.
Plus on avance dans l’écoute de Eirskalt et plus les compositions semblent se complexifier et s’allonger (la deuxième face ne comporte d’ailleurs que trois titres alors que la première en inclut six) et une composition aussi remarquable que Dead Trees Are Wandering At Night est l’illustration exacte de la double identité sanguinaire de Vuyvr… Jusqu’à ce que déboulent The Vuyvren et sa ligne de basse lancinante en introduction, ultime offrande de neuf minutes pour une véritable explosion au ralenti d’une terreur sourde et inévitable. Comme si le monstre sortait enfin pour de vrai de sa tanière, était remonté à la surface de la terre et que sa seule présence parmi nous, la seule vision de cet être monstrueux, suffisait à nous anéantir, à la fois de douleur et de tristesse.

[Eiskalt est publié en vinyle uniquement par Blastbeat Mailmurder records et Throatruiner records]