vendredi 14 juin 2013

Mainliner / Revelation Space


Je me souviens d’un concert de MAINLINER, un concert un peu furtif et non prévu au départ : c’était dans le cadre d’un énième « japanese extreme music festival » (ou un truc dans ce genre là) au Pezner de villeurbanne ; l’affiche comportait entre autres High Rise, Musica Transonic, Kawabata Makoto (en solo), les Ruins, etc… l’idée d’un set de Mainliner réunissant Kawabata à la guitare, Asahito Nanjo (de High Rise mais aussi des géniaux Musica Transonic à la basse et au chant) ainsi que Tatsuya Yoshida (des Ruins) à la batterie, soit le line-up le plus fantastique possible de Mainliner*, a fait son chemin et s’est concrétisée devant un public qui pour la plupart ne connaissait pas le groupe mais n’en croyait pas ses oreilles. Je me rappelle très bien avoir demandé à l’un des gardiens du temple et piliers du Pezner qui était le groupe jouant sur scène, il m’avait répondu alors « mais c’est Mainliner ! ». Je connaissais pourtant déjà le groupe, puisque le label Riot Season avait publié – en 1996 – le génial Mellow Out.
Le concert dont je parle prenait la forme d’une longue jam psychédélique et dégueulant de saturation, Asahito Nanjo geignait à intervalles réguliers comme un possédé et Mainliner s’élevait lentement dans les airs, au milieu de perturbations ultrasoniques démentes. Malheureusement il y a eu une coupure générale de courant électrique et le set de Mainliner a été interrompu brutalement. Lorsque l’électricité est revenue le groupe a recommencé à jouer là où il s’était arrêté mais la magie s’était estompée, malgré tous les efforts des musiciens pour la réactiver, conne de vie**.




Kawabata Makoto a décidé de remettre Mainliner en activité. Mais les anciens membres du groupe – Asahito Nanjo  en tête – ne font pas partie de cette résurrection. Kawabata a recruté un nouveau bassiste/chanteur et un nouveau batteur, aussi cette nouvelle incarnation s’appelle-t-elle KAWABATA MAKOTO’S MAINLINER. De cette renaissance est né l’album Revelation Space dont il est ici question. Un très bon disque. Un disque violent, dur, électrique, psychédélique – au sens où l’entendent ces tarés de musiciens japonais*** – et une énorme bouffée de free form freak out aussi hallucinogène que grésillante. Et si ça grésille autant sur Revelation Space, c’est parce que la guitare de Kawabata Makoto est systématiquement dans le rouge, en mode totale auto-combustion, laissant échapper des torrents de riffs chauffés à blancs, de véritables bombes incendiaires. Mais il n’y a pas qu’elle : les cymbales et la caisse claire donnent mal au crâne et la basse se retrouve également régulièrement défoncée.
D’ailleurs, parlons des deux petits nouveaux. Kawabe Taigen s’occupe de la basse et du chant (et des paroles) tandis que Shimura Koji s’occupe de la batterie. Le premier est un inconnu – en tous les cas pour les services de renseignements de 666rpm – alors que le second a joué dans High Rise et dans diverses incarnations d’Acid Mothers Temple, autant dire qu’il était l’homme de la situation. Mais Kawabe Taigen l’est tout autant : ses lignes de basse possèdent ce groove mi aquatique mi radioactive nécessaire à l’envol de Mainliner ; son chant de sirène crucifiée sur une falaise balayée par un océan en furie répond lui parfaitement aux échos à la fois inquiétants et célestes qui ont toujours hanté la musique de Mainliner. A l’écoute de Revelation Space, disque aussi forcené que prodigieux, on ne peut que se dire que Kawabata Makoto, en 2013, n’aurait sans doute pas pu mieux s’entourer.

Revelation Space est publié en CD digipak et en vinyle par Riot Season ; le CD comporte un titre en plus (l’excellemment bruyant The Dispossessed, très loin d’être un bonus track au rabais) ; le vinyle existe en blanc et en vert dégueu alors qu’initialement la deuxième couleur aurait du être un beau doré mais, comme c’est étonnant, l’usine de pressage a fait n’importe quoi.

* line-up avec lequel Mainliner a enregistré les albums Psychedelic Heavy Speedfreak (1996), Psychedelic Polyhedron (1997) et Mainliner Sonic (1997)
** conne de vie : tout ceci n’est qu’un ramassis des souvenirs… il n’est donc pas impossible que ma mémoire me joue quelques tours et d’ailleurs on s’en fout
*** à ce propos il faut absolument (ré)écouter High Rise et Musica Transonic