mercredi 5 juin 2013

Report : Forza Pschitt, Kanine et mim à la Triperie - 30/05/2013




Celui là de concert, je l’attendais avec une impatience certaine. Trois groupes musicalement très différents les uns des autres, un lieu sur les pentes de la Croix-Rousse où il fait bon venir écouter de la musique et une bande de copains qui se sont décidés à organiser ensemble une date pour permettre à un de leurs plus vieux et meilleurs amis de jouer enfin sur Lyon. La soirée s’annonce bien et – c’est une bonne nouvelle – la Triperie se remplira suffisamment pour donner à ce concert des airs de réussite.
Arrivé sur place et les cinq euros de droit de passage à peine payés à l’entrée, j’ai droit à une première bière gratuite, ce qui n’est pas pour me déplaire : évidemment je ne me sens absolument pas soudoyé ni influencé par une telle manifestation de générosité (juste l’impression d’avoir un peu une tête de vilain  soiffard). Les balances se terminent doucement – comme d’habitude il y a du retard – et j’apprends ainsi que l’ordre d’apparition des groupes sera le suivant : Forza Pschitt puis Kanine et enfin MIM & Les Vosgiens.




FORZA PSCHITT – malgré un nom au ridicule certain mais ça je crois que je l’ai déjà dit – est un groupe très sérieux composé d’un batteur et d’un guitariste issus de Torticoli. Je commence à m’habituer à la musique de ces deux-là c'est-à-dire, puisque c’est la troisième voire déjà la quatrième fois que je vois et écoute Forza Pschitt en concert, que je reconnais même certains morceaux lorsque le duo les interprète. Ça y est, j’ai ma carte de vieux fans aguerri.
Le groupe en est lui au stade où il laisse un petit peu de côté cet enthousiasme pétaradant et juvénile qui m’avait tellement séduit la première fois, un stade où il approfondit toujours plus les détails fourmillants de sa musique. Laquelle me semble de plus en plus mélodique, chargée de notes et cependant jamais étouffante. Le risque serait de tomber dans l’excès démonstratif – démonstration de petits doigts agiles et non pas démonstration de force – or les deux Forza Pschitt instaurent une sorte de dialogue qui relève de la passion partagée et qui, de l’extérieur, s’avère formidablement intéressant à suivre.
Forza Pschitt joue une musique qui brûle et qui pétarade – bien plus que du vulgaire math rock pour progueux refoulés et éjaculateurs précoces – en ce sens qu’il se passe quelque chose pour de vrai, que la logorrhée musicale de Forza Pschitt n’est ni stérile ni vaine et qu’elle est peut-être bien du genre à ne pas s’arrêter en si bon chemin : plus j’écoute ce guitariste et plus je me dis que ce garçon est un grand malade mais heureusement qu’il joue avec un batteur qui derrière ses grimaces de chien fou à l’air un peu plus sage que lui. Et encore.




KANINE joue en deuxième. Kanine est un duo de free jazz composé d’Art au saxophone ténor et de Sheik Anorak à la batterie. Le principe de fonctionnement du duo est simple : jouer et voir ce qui ce qui se passe ensuite, des fois rien, des fois tout. Un mélange de courage, sûrement d’inconscience et finalement de plaisir.
Pourtant ce soir là Kanine est un peu à la peine, Franck/Sheik Anorak jouant sur une batterie d’emprunt (et vraiment toute pourrie). Faisant preuve d’une certaine sagesse, le saxophoniste préfère alors la plupart du temps choisir le parti-pris des textures sonores et des mélodies contre celui de la ruade purement free. Ce concert de Kanine est donc plutôt un moment flottant, souvent intéressant mais contrairement aux deux Forza Pschitt, les deux musiciens de Kanine semblent avoir un peu de peine à dialoguer, entre les efforts de l’un pour s’arranger avec une batterie qui ne sonne pas et les idées de l’autre qui ne prennent pas toujours vraiment forme.
En fin de set l’un des deux musiciens précise même qu’il s’agissait de « Kanine fatigué » or il serait injuste de totalement réduire la prestation qu’a donné le duo ce soir là à une demi-heure simplement en demi-teinte : certaines volutes mélodiques du saxophoniste étaient très intéressantes et parfois très belles bien que l'on puisse regretter qu’il faille toujours à celui-ci un peu de temps pour se dérider, se débrider, avoir un peu plus confiance et lui-même et en sa musique. Pourtant on sait bien qu’il en est tout à fait capable, la preuve avec ce dernier titre joué en rappel et réclamé à corps et à cris par un public bien réchauffé par une seconde partie de set meilleure que la première ; un rappel pendant lequel les deux musiciens ont enfin joué comme ils devraient toujours le faire, les yeux fermés peut-être mais les regards convergeants, c’est sûr.




Arrive enfin MIM. Tout ce bordel de concert a un peu été organisé exprès pour lui, pour qu’il quitte Bruxelles et vienne jouer à Lyon, point de départ d’une mini-tournée. Il est accompagné de trois musiciens – Les Vosgiens – dont deux jouent habituellement dans La Pince, l’un des meilleurs groupes de post-punk-noise-ce-que-tu-veux découvert et écouté ces derniers temps.
Et puis arrive forcément ce moment fatidique où les réponses devraient tenter de prendre les mêmes chemins que les questions bien que, en ce qui concerne As Far As I Compute, le premier album de mim, un disque que l’on a ardemment défendu ici, cela semblait tout simplement irréalisable. D’une part parce que As Far As I Compute est un disque réellement incroyable et d’autre part parce qu’il s’agit surtout d’un disque méticuleux question réalisation et terriblement sophistiqué dans sa volonté (réussie) de noirceur. Pas facile de retranscrire en concert un enregistrement aussi entier et aussi exigeant.
Tout le matériel déployé sur scène aussi ne manque pas d’une certaine sophistication, à commencer par ce système de capteurs qui transforme les mouvements de mim en déluges et autres dérèglements sonores (ce qui le pousse également à entamer quelques chorégraphies mi-robotiques mi-désarticulées et auxquelles je ne m’attendais absolument pas). Une technologie qui, fait assez rare, ne vient pas à l'encontre ni n’encombre celui qui s’en sert. Voilà quelqu’un qui sait ce qu’il veut.
Reste la prestation du groupe en lui-même, une prestation contrôlée par un mim souvent très pointilleux mais qui finalement consent à se laisse aller. Malgré des problèmes de son certains (pas assez de voix – l’avant dernier titre joué se transformant carrément en pantomime muette – et un peu trop de puissance du côté de l’ampli basse), mim & Les Vosgiens ont été un parfait groupe live c’est à dira un groupe avec des défauts, des manquements mais surtout un groupe qui a aucun moment a perdu de vue qu’il était en train de jouer devant un public et que c’était bien là le principal. Un bon concert, donc, sauf que, fort égoïstement, découvrir d’abord mim en live puis sur disque aurait certainement été plus facile.




Je ne sais pas ce qui a ensuite incité le principal intéressé, s’excusant presque de la (relative) courte durée du concert, de prendre une guitare et de se lancer en solo dans une démonstration bluffante de vieux blues. Dix minutes et quelques de finger picking, d’open tuning et d’accords ancestraux. On m’avait déjà raconté que mim était capable de jouer comme cela pendant des heures voire des nuits entières, comme un magicien.
Je remercie également les deux personnes qui tour à tour sont venues me voir pour m’offrir un verre de whisky, prenant la peine de préciser qu’il s’agissait d’un whisky bien tourbé et fort en goût et qu’elles étaient sûres qu’il allait beaucoup me plaire. Effectivement. Mais je n’avais jamais pensé avoir également la tête d’un mec qui aime particulièrement le whisky tourbé […].

[quelques photos du concert par ici]