samedi 8 juin 2013

Ukandanz / Yetchalal




L’honnêteté intellectuelle – qui parait-il est un facteur essentiel de crédibilité pour toute personne se targuant de vouloir donner son avis sur la musique des autres mais, personnellement, je me fous plus que jamais de toutes ces histoires de pertinence objective du jugement –, bref, ahem, l’honnêteté intellectuelle me pousse à admettre qu’il n’y a qu’une seule raison qui un jour m’a poussé à écouter Yetchalal, le premier album de UKANDANZ. Cette unique raison s’appelle Damien Cluzel.
On a déjà croisé ce garçon et sa guitare baryton avec Kouma, power trio de free noise basé à Lyon et, plus que jamais, je ne peux que chaudement vous recommander d’écouter le premier album sans titre de ce groupe aussi extraordinaire que furieux ou bien, encore mieux, d’aller le voir en concert*. Damien Cluzel, donc. J’en rajoute un peu – au risque de froisser la modestie de l’intéressé – mais sans la présence de ce garçon dans le line-up de Ukandanz, je serais sans doute resté complètement ignorant et fier de l’être. Mais pourquoi cela ? Tout simplement parce que Ukandanz est généralement classé dans la rubrique éthio-jazz/ethiopian rock.
Les petites cases à rangement c’est mal. Ceux qui les inventent – genre les stagiaires marketing ou autres des maisons de disques comme les chroniqueurs de disques – sont de parfaits incapables dotés d’œillères cloutées ; celles et ceux qui s’en servent aveuglément, espérant ainsi gagner du temps dans leur choix musicaux mais risquant sans même s’en rendre compte d’y perdre nombre de découvertes potentielles, n’en sont pas moins de parfaits incapables eux-aussi. Essayons donc d'oublier cette étiquette en forme de croute épaisse qui affuble la musique de Ukandanz de termes aussi insupportablement simplistes et réducteurs que « musique ethnique » ou « fusion entre musiques traditionnelles et européennes modernes ». Et écoutons…
… Il y a pourtant un peu de cela avec Yetchalal – attention descriptif lapidaire et donc limitatif : de la musique tirant une partie de ses racines à la fois du côté de l’Ethiopie, du jazz moderne et de l’électricité contemporaine – mais, après, tout est une question de dosage et celui de Ukandanz raisonne parfaitement à mes oreilles de mélomane obscurantiste et exigeant. Emmené par la locomotive Aykèdashem Lebé, Yetchalal est tout simplement l’un des disques les plus enthousiasmants question transe et soleil pour tout le monde et qu’il m’ait été donné d’écouter depuis longtemps. Un enregistrement qui pourrait aussi bien convaincre les amateurs de rock sévère voire bruyant, de jazz inventif et non sclérosé et de chant passionné. Du moins celles et ceux qui enlèveront leur casque anti-bruit. Impossible en effet de ne pas tomber instantanément amoureux d’un groupe et d’une musique qui parlent au cœur tout simplement parce qu’elle s’exprime avec le cœur.
Les musiciens** de Ukandanz font ainsi preuve d’une générosité mêlée à une rigueur qui forment un écrin sans égal au chant extraordinaire de Asnaké Gèbrèyès. Le bonhomme possède une sacrée présence, rien que sur disque. Et que cette langue est belle, même si complètement incompréhensible à mes oreilles d’occidental (mais on s’en fout un peu, non ?)... Et que ce chant vous entraine également loin, très loin. La plupart des titres de Ukandanz sont des adaptations d’airs traditionnels – c’est Damien Cluzel, encore lui, qui généralement se colle à la lourde tâche des arrangements – mais n’ayez pas peur de ce que vous venez d’apprendre. N’ayez pas peur d’écouter Yetchalal et de l’aimer. Car ce disque est une merveille à découvrir absolument***.

Yetchalal a été publié l’année dernière en CD cher Buda Musique mais a été réédité en vinyle en avril 2013 par Gnougn records**** ; malgré des titres en plus sur le CD que sur le vinyle, ce dernier reste d’une qualité largement supérieure question confort d’écoute et beauté inaltérable du support ; précisons enfin – parce que c’est un gage de qualité sonore –  que Yetchalal a été enregistré aux feu-studios PWL, désormais relocalisés du côté de la Bretagne sous le nom de Kerwax.

* à ce propos, bande de lyonnais, Kouma sera en concert le samedi 8 juin 2013 – ce soir donc – en compagnie de Radiation 10 au Toï-Toï (17 rue Marcel Dutratre, à Villeurbanne)
** oui, il faut absolument citer le reste du line-up du groupe : Lionel Martin au saxophone ténor, Fred Escoffier aux claviers et Guilhem Meier à la batterie
*** et si quelqu’un à des noms d’enregistrements de musique éthiopienne à me soumettre, que ce soit en musique traditionnelle ou moderne, je suis preneur
**** un label dont on a déjà parlé à propos des affreux gamins d’Ultra Zook