samedi 6 juillet 2013

Helen Money / Arriving Angels




On avait découvert tardivement HELEN MONEY et son deuxième album In Tune, publié en 2009 chez Table Of The Elements. Puis on a eu la chance de voir cette grande dame en concert et de plonger un peu plus profondément dans sa musique, assurément l’une des plus belles et des plus intrigantes qui soient côté musiques instrumentales et – malheureusement – trop vite cataloguées musiques expérimentales. Pourtant les premiers mots qui me viennent toujours à l’esprit lorsque j’écoute un disque d’Helen Money sont les mots « électricité » et « énergie », c'est-à-dire pratiquement tout le contraire d’une musique cérébrale et trop conceptualisée. Qu’Helen Money ait beaucoup pensé à sa musique est une évidence mais je pense que par-dessus tout elle préfère la vivre, tout simplement.
Et qu’Helen Money joue souvent de son violoncelle comme d’une guitare électrique est une autre évidence à laquelle il faut bien se rendre également. La musicienne n’a pas son pareil pour faire grincer et hurler son instrument mais – et c’est très important – elle n’oublie jamais non plus qu’elle utilise un instrument de musique d’une profondeur rare : il y a toujours des moments infiniment calmes sur les disques d’Helen Money, des moments d’une mélancolie saisissante et perturbante, révélant une sorte de schizophrénie plutôt passionnante, du moins du point de vue de l’auditeur.
A ce titre Arriving Angels partage nombre de points communs avec son prédécesseur In Tune. Dès l’intro de Rift on remarque plus que tout la sécheresse du son qui est la marque de fabrique de Steve Albini avec lequel Helen Money a encore enregistré cette fois – et à qui Arriving Angels est dédié, tout comme il l’est à Todd Trainer et Bob Weston (et rappelons qu’Helen Money assure très régulièrement les premières parties de Shellac).
On note également cette diversité dans les compositions sauf que cette fois-ci Arriving Angels propose une nouveauté de taille avec la batterie de Jason Roeder (Neurosis, Sleep) sur près de la moitié des titres. Un gadget ? Non, pas du tout, parce que Roeder n’est pas là pour faire que de la simple figuration bien qu’il n’empêche pas Helen Money de se rendre sur des terres où elle désirait très certainement se rendre dès le départ, des terres toujours plus arides, desséchées et balayées par un vent toujours plus porteur de cette mélancolie immersive qui séduit imperturbablement. Là où Arriving Angels diffère, c'est qu’il explore toujours des territoires d’ordinaire réservés au « rock » (au sens large, donc) mais qu’ici ils sont plus spécifiquement metal voire post hardcore (Beautiful Friends en est l’un des plus beaux exemples). Oui, vous avez bien lu : Helen Money arrive avec son seul violoncelle, ses pédales d’effets et l’aide d’un batteur sur quelques titres à libérer autant de puissance et de passion qu’un groupe de metal tournant au ralenti et miné par une dépression solidement carabinée. Pourtant on ne décèle aucune pose et aucune intention marquée : on constate et c’est tout.
Au-delà de l’hommage à peine déguisé aux Melvins, un titre tel que Upsetter relève d’un effroi assez violent. Plus loin Radio Recorders, impérialement accompagné des roulements de Jason Roeder, tient autant de l’orage magnétique que d’une franche tornade sensorielle tandis que le morceau titre joue sur des contrastes saisissants et résume assez bien la dualité intrinsèque de la musique d’Helen Money. Quant à Schrapnel, il renoue avec la litanie rythmique, déversant de nouveaux torrents de lourdeur violacée. Dans ces conditions, il est donc guère étonnant que Arriving Angels ait été publié par Profound Lore recordings, un label plutôt connu pour ses productions en matière de métallurgie extrémiste : Helen Money fait peut-être figure d’exception au sein de son catalogue très fourni mais en même temps elle y tient parfaitement sa place.