mercredi 17 juillet 2013

Little Women / Lung




LITTLE WOMEN ! Rien que l’évocation de ce nom m’arrache un sourire de contentement teinté d’une joie aussi profonde d’inextinguible ! L’un de mes groupes de free jazz radical et préféré est enfin de retour. Après les dents – le demi LP Teeth en 2007 – et la gorge – l’album Throat en 2010 –, les quatre Little Women s’attaquent donc à la langue – Lung. Dans le principe ce nouvel album a les mêmes caractéristiques que ses prédécesseurs : exactement le même line-up avec Travis Laplante au saxophone ténor, Darius Jones au saxophone alto, Andrew Smiley à la guitare et Jason Nazary à la batterie ; la même façon d’enregistrer avec une session unique sur une journée, le 22 octobre 2012, session ensuite découpée en rondelles (et même l’artwork est à nouveau signé par Mick Barr).
Mais les comparaisons s’arrêteront là. Lung est, au départ, un album presque silencieux. Un album très théoriquement divisé en quatre parties portant chacune le nom d’une saison de l’année et Spring fait plus que surprendre avec son entrée en matière en pointillé, quelques frottements de cymbales, des grattements de provenance indéterminée, des bruits de tuyaux… On se retrouve presque replongés au milieu de cette scène minimaliste dite de l’effacement qui avait fait fureur dans les milieux des musiques improvisées à la fin du dernier millénaire/début du  nouveau (Greg Kelley, Bhob Rainey et Nmperign, la scène onkyo japonaise, tous ces trucs là…).
Un effacement qui ne dure pas longtemps : la musique de Little Women s’étoffe peu à peu sur Lung, explose très brièvement de temps à autre tout en restant d’une extrême sobriété. Pas d’incandescence ici. Pas de free jazz anarchisant. Et pas de réminiscences no wave non plus. Ou alors si peu. Mais que ce passe-t-il donc ? Les quatre Little Women ont tout simplement décidé de ne pas encore enregistrer le même disque – il n’y avait pas beaucoup d’écarts stylistiques entre Teeth et Throat – et proposent avec Lung une version cérébrale et plus inquiétante de leur musique.
Le free jazz se fait plus musique contemporaine, l’électricité se mue en serpentements capricieux et indociles, les rythmes s’écrasent comme lors d’un crash test, la guitare explose en plein vol puis ses débris retombent au sol avec la grâce de brins de pollen desséché, les saxophones bruissent comme des insectes excités par des ultrasons extraterrestres et Little Women va de faux départs en véritables accalmies, de longues séances flatulentes en épandages d’eaux usées. Et même si on pense au bout de longues minutes que le groupe est (re)parti pour de bon sur les routes chaotiques menant au pays de la freeture facile, les derniers instants de Lung nous donnent à nouveau tort, renouant avec les entortillements de plus en plus dispersés d’une musique avant tout recroquevillée et moribonde. Lung est un disque bien plus difficile que Throat et Teeth ; certains n’hésiteront pas à le trouver imbitable, ici on admire énormément – et sûrement un peu trop – l’exercice de style mais on soupire quand même un peu….

[Lung est publié en CD digipak par Aum Fidelity]