mardi 2 juillet 2013

The Ex & Brass Unbound / Enormous Door




Parler de THE EX est toujours un moment difficile. Après la dégringolade qualitative des albums du groupe pendant les années 2000 et après la résurrection inespérée incarnée par l’album Catch My Shoe en 2010, on sait désormais que tout peut arriver. Le bon comme le mauvais. Le nouvel album des hollandais s’intitule Enormous Door et parait sous le nom de THE EX & BRASS UNBOUND. Sous cette appellation on retrouve le The Ex de base actuel – Arnold au chant, Terrie et Andy aux guitares et Katrin à la batterie et au chant – accompagné d’une section de cuivres avec rien de moins que Mats Gustafsson et Ken Vandermark aux saxophones, le trompettiste Roy Paci et le tromboniste Wolter Wierbos.
L’expérience malheureuse d’un concert fabuleusement insipide de The Ex & Brass Unbound en mémoire, passons donc à l’écoute d’Enormous Door. Une collection de titres (dont une bonne majorité d’inédits et trois qui figurent déjà dans des versions différentes sur d’autres enregistrements de The Ex) qui tentent donc d’allier la tension The Ex avec le côté plus chaleureux et décalé d’une section de cuivres. Plein de bonnes intentions pour un résultat qui ressemble à un album bâclé, approximatif et plutôt mal enregistré – le son général de l’album est vraiment très pauvre. Qu’un groupe et des musiciens se fassent plaisir c’est nécessaire et même essentiel mais The Ex semble une nouvelle fois avoir perdu de vue une bonne partie de ce qui faisait la spécificité de sa musique. Ou, plus précisément, en pointant très exactement le doigt sur uniquement certains aspects de celle-ci, le côté world-pépère ou le côté angélique pour les nommer, The Ex s’est contenté d’enregistrer un album terne et à la limite du médiocre.
La médiocrité c’est d’abord celle du chant principal qui manque singulièrement de profondeur pour lui préférer une niaiserie apparemment non feinte (Last Famous Words, le titre placé en ouverture, est un modèle en la matière). Arnold De Boer est certes un garçon fort sympathique mais son chant a autant de mordant que les pitreries d’un Pee-Wee Herman. La médiocrité c’est ensuite celle des instrumentistes invités : à quoi cela sert-il d’avoir dans ses rangs quelques uns des meilleurs musiciens de free jazz actuel si c’est uniquement pour leur demander de donner une coloration festive à sa musique voire de transformer The Ex en groupe de skapunk ethnique ? Placer un petit solo paresseux de trompette ou de saxophone ici ou là ne trompera personne. Tout ceci est réellement désespérant. Et que les parties de Mats Gustafsson aient été rajoutées après l’enregistrement initial, en re-recording, n’arrange sans doute rien à l’affaire.
Il y a cependant quelques exceptions ici : Bicycle Illusion (l’un des meilleurs titres de Catch My Shoe) arrive à convaincre malgré  un début un peu mou du genou ; Belomi Benna (chanté par Katrin), un classique de la musique éthiopienne qui arrive à sortir l’auditeur de sa torpeur – mais on vous conseillera aussi de découvrir la version autrement meilleure que Ukandanz a donné de cette chanson sur son album Yetchalal.
Difficile également de taire cette impression – mais on préfèrerait largement se tromper –, l’impression désastreuse et vraiment très désagréable qu’Enormous Door est dominé par un esprit extrêmement auto-satisfait et complaisant, où la « générosité » est avant tout une question d’attitude, comme si The Ex capitalisait sur son aura et abusait de son statut de groupe défricheur, avant-gardiste, punk expé et politiquement engagé (etc.) ; comme si on nous disait quelque chose comme « hey ! il n’y a que nous qui pouvons enregistrer un album de punk jazz bariolé et impliqué parce que nous sommes The Ex ». Procès d’intention que tout cela ? Oui, peut-être… Encore une fois se tromper serait préférable, penser que The Ex s’est juste planté sur ce coup là et que cela arrive à tout le monde aussi, mais le doute persiste et ce procès d’intention là est à la hauteur de la déception ressentie. The Ex fait à nouveau partie du club grandissant des groupes qui ne se contentent plus de publier des disques de plus pour publier des disques de trop. Mais on s’en remettra.

[Enormous Door est publié par Ex records en vinyle et en CD]